Tunisie : ONG et syndicats de Presse condamnent Ennahdha qui prônerait la loi de la jungle anti-Haica dans l’audiovisuel

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Tunisie (Haica) – Les organisations non gouvernementales citées ci-après, estiment que la récente déclaration du parti Ennahda, dénonçant la décision de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) de suspendre la diffusion de certains médias audiovisuels non autorisés, est une incitation à appliquer la « loi de la jungle » dans le paysage audiovisuel en Tunisie.

Elles considèrent que ce communiqué, signé par Rached Ghannouchi, président du parti « Ennahdha », en date du 2 février 2015, est une ingérence flagrante dans les attributions de la HAICA, une instance de régulation indépendante, unique dans le monde arabe, devenue la cible, depuis sa création, le 3 mai 2013, d’attaques et de campagnes incessantes de dénigrement, orchestrées par des groupes de pression politiques et financiers.

Les ONG, soussignées, rappellent, à cette occasion, que le parti « Ennahdha », qui se targue aujourd’hui de défendre le droit à la liberté de l’information, « ce grand acquis de la révolution garanti par la Constitution de la République », est le premier parti politique qui s’est empressé de saper cet acquis, dès son accession au pouvoir, à la tête du gouvernement de la « troïka », à la fin de l’année 2011.

« Ennahdha » s’est, en effet, appliquée à entraver l’application des textes juridiques régissant le secteur des médias, y compris le décret-loi 116 de l’année 2011 sur la liberté de la communication audiovisuelle ; et à retarder, d’environ 18 mois, la constitution de la HAICA, fournissant ainsi un terrain propice au lancement de chaînes de radio et de télévision hors la loi, et dont les sources de financement ne sont pas connues.

Plusieurs dirigeants du parti « Ennahdha » – à leur tête son président, Rached Ghannouchi, dans une interview accordée, en avril 2012, à deux quotidiens de la région du Golfe – ont menacé de vendre les entreprises médiatiques du service public, après que leurs partisans eurent organisé un sit-in de plus de 50 jours devant le siège de la Télévision Tunisienne, pour intimider les journalistes de cet établissement et leurs collègues, les traitant de « sbires de l’ancien régime» et de représentants des « médias de la honte ».

Le parti « Ennahdha » n’a, cependant, pas hésité, dès janvier 2012, à imposer des responsables ayant servi le régime de la dictature et de la corruption, à la tête des entreprises publiques de presse et des médias confisqués par l’État, dont l’établissement de « Dar Al-Sabah ». Pour dénoncer ces nominations et exiger l’application des décrets-lois 115 et 116, publiés au Journal Officiel de la République Tunisienne, en novembre 2011, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a décrété une grève générale dans le secteur, la première du genre depuis l’indépendance du pays.

Le gouvernement de la « Troïka », conduit par le parti « Ennahdha », a également organisé, en avril 2012, un simulacre de « consultation nationale sur le cadre juridique de l’information », à laquelle il a invité un certain nombre d’éminents thuriféraires du régime de Ben Ali. Cette « consultation » a été boycottée par la plupart des parties concernées, en particulier l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC) et le Syndicat National des Journalistes Tunisiens.

Les organisations non gouvernementales, soussignées, appellent, encore une fois, tous les responsables et les décideurs à agir d’urgence afin de faire respecter la loi et mettre en application les décisions de la HAICA. Elles les appellent également à prendre connaissance des expériences comparées dans le domaine de la régulation des médias audiovisuels dans les pays démocratiques, pour assurer une transparence totale dans le paysage audiovisuel national, au niveau du financement et de la gestion, et pour éviter à la Tunisie de tomber dans le piège de l’anarchie, de la désinformation et de l’incitation à la violence et à la discorde, tendu par des groupes de pression politiques et financiers dans un certain nombre de pays arabes.

Les ONG signataires de cette déclaration:
– La Ligue Tunisienne pour la défense des Droits de l’Homme (LTDH)
– Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT)
– L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD)
– Le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES)
– Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
– L’Association Vigilance pour la démocratie et l’Etat civique
– Le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse (CTLP)
– Le Syndicat Tunisien des Radios Libres (STRL)
– L’Association pour la recherche sur la transition démocratique (ARTD)
– L’Association Tunisienne de Défense des Valeurs Universitaires (ATDVU)
– L’Observatoire des Libertés Académiques
– L’Association « Femmes & Leadership »
– L’Association « Nawaat »