Tunisie (hémodialyse) – Le Groupement Professionnel de Dialyse de la CONECT et l’Association Tunisienne des Insuffisants Rénaux (ATIR) viennent de tirer la sonnette d’alarme, lors d’un point de presse tenu au siège de la CONECT, mercredi 8 juillet 2015, afin de sensibiliser l’opinion publique et les plus hauts responsables de l’État sur la situation actuelle catastrophique des dialyseurs qui se répercute sur la survie des dialysés.
Après avoir commencé à réduire la qualité des soins pour réussir à couvrir de justesse leurs charges (ou minimiser les pertes), les centres de dialyse commencent à fermer, alors que l’État avait choisi (stratégiquement) de réserver (à 70%) ce service aux privés à cause de ses coûts d’investissements et ses charges élevés. Afin de réduire les charges, certains ont commencé à réduire les séances de quatre heures vers des séances de 3 hures, tout en sachant que le dialysé doit bénéficier de trois séances (de 4 heures chacune) par semaine.
De son côté, la CNAM ne rembourse que 87 DT la séance qui devrait être facturée à environ 130 DT puisque les experts du ministère de la Santé ont eux-mêmes estimé le coût à plus de 100 DT, et ce, sans parler des récentes augmentations des filtres et autres produits nécessaires à chaque séance.
Si le ministère de la Santé et la CNAM ne prennent pas des décisions radicales et urgentes, cela serait tout simplement de la non-assistance à personnes en danger pour ces 10 mille dialysés tunisiens
L’hémodialyse est un traitement d’épuration extra-rénale répétitif qui permet de maintenir en vie pendant plusieurs années et même des décennies les malades atteints d’insuffisance rénale chronique. Bien traités, la majorité d’entre eux sont réinsérés socialement et même professionnellement ce qui leur permet de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles.
La Tunisie a commencé, en 1975, un programme national d’hémodialyse qui s’est rapidement étendu à toutes les régions grâce, en partie, à l’implication du secteur privé qui a fini par couvrir les ¾ des besoins des malades. Par l’étendue du réseau des centres et la qualité des soins la Tunisie est devenu l’un des pionniers en Afrique et dans le Monde Arabe.
La prise en charge des frais du traitement par les caisses (CNSS et CNRPS depuis 1977 relayées par la CNAM en 2007) dans les secteurs aussi bien public que privé a permis d’en faire bénéficier tous ceux qui en ont besoin dans le pays tout en gardant une excellente qualité comme reconnue par les citoyens ainsi que les visiteurs étrangers.
Actuellement le nombre de patients régulièrement traités est de l’ordre de 9 600 dont 70% sont dans le secteur privé et 30 % dans les secteurs public et parapublic (polycliniques de la CNSS). Suite à l’introduction de la technique en Tunisie ,l’arrêté du 26 mai 1977 a fixé le tarif forfaitaire d’une séance à 89 dinars puis ramené à 87 dinars le 4 avril 1995 outre l’imposition d’une TVA de 6% payée par les cliniques prestataires de service et non par le client .
Ce tarif est maintenu au même niveau jusqu’à ce jour, bien que le décret du 4 aout 1989 stipule que « les tarifs des séances d’hémodialyse sont fixés annuellement par arrêté conjoint des ministère du plan et des finances et de la santé publique ». Dans la même période, le remboursement d’autres actes médicaux forfaitaires fixé par le même décret (ex : les accouchements et les césariennes) ont été multipliés par six.
Suite à plusieurs réclamations des responsables des cliniques, une évaluation du prix de revient a été réalisée par une commission officielle composée de 9 experts du Ministère de la Santé ,du Ministère des Affaires Sociales ,de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et de la Caisse de Sécurité Sociale portant sur les 3 secteurs (public ,parapublic et hospitalier) en se basant sur les données de 2012.Le travail présenté le 18 octobre 2013 aux ministères de tutelle avait conclu à un prix de revient moyen de plus de 100,800 dinars, sans compter la marge bénéficiaire, les taxes et impôts.
Ainsi le tarif de remboursement actuel est au moins de 13 dinars inférieur au prix de revient moyen évalué par une commission officielle. Il est à signaler qu’il est, dans la majorité des cas, la seule source de revenus des cliniques, puisque la dialyse fait partie des affections intégralement prises en charge par la CNAM.
Cette situation anti économique a deux conséquences graves :
- -Baisse de la qualité des soins avec un risque pour la santé des malades.
- -situation précaire des cliniques de dialyse risquant, à court terme, de les mener à la faillite. On signale déjà la fermeture d’une clinique à Djerba à la fin du mois de mai 2015 et la cessation de paiement de deux autres cliniques.
Des négociations sont engagées avec le ministère de la Santé, le ministère des Affaires sociales et la CNAM depuis des années. Suite à l’étude sus signalée, un ministre de la santé avait déclaré dans une réunion publique le 13 octobre 2014 qu’il était d’accord pour un tarif de 110 dinars et de son coté le ministre actuel des affaires sociales avait promis de régler ce problème crucial dans un délai limité qu’il avait fixé à fin mars puis à fin juin 2015.
Messieurs les ministres de tutelle sont vivement sollicités pour prendre, aussi tôt que possible, les décisions adaptées et sauver le secteur dans l’intérêt de tous.