Tunisie-Tribune (rôle de l’ingénieur) – Le samedi 2 avril 2016 s’est déroulé à Tunis un symposium organisé par l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT) en partenariat avec l’Association des Tunisiens diplômés des universités allemandes et la Fondation Konrad Adenauer qui œuvre, depuis 1982, pour le renforcement des liens entre la Tunisie et l’Allemagne.
Au programme de cette manifestation sur le thème « Le programme national des réformes majeures 2016-2020 : quel rôle pour l’ingénieur ? », des interventions suivies d’un débat, ont rassemblé d’imminents experts ainsi que des représentants de la société civile. Parmi les intervenants, Taoufik Rajhi, ministre-conseiller auprès du chef du gouvernement et président du cercle des économistes tunisiens, Walid Belhaj Amor, DGA de Comete Engineering et membre du comité directeur de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) et Abdessattar Hosni, Secrétaire général de l’OIT.
Dans ce moment crucial où la Tunisie a opté pour des réformes majeures en vue de redresser son économie par le biais de la croissance, la diminution du chômage et la réduction des inégalités entre les régions, quelle place doivent prendre les ingénieurs dans ce programme quinquennal ?
Au cours de la traditionnelle allocution de bienvenue du président de l’OIT Oussama Kheriji, il a été rappelé de l’existence en Tunisie de 70 000 ingénieurs auxquels la 1ère république n’a pas accordé un rôle majeur dans le développement économique du pays. D’où la nécessité aujourd’hui de reconsidérer la place de l’ingénieur dans la société en lui octroyant le rôle d’acteur privilégié.
Un rôle digne de celui qui innove et qui oriente les technologies vers une meilleure allocation des ressources. De par sa capacité à façonner le progrès technique et scientifique, l’ingénieur a un apport fondamental à la richesse nationale, au bien-être collectif et à la qualité de vie des individus.
Le programme quinquennal 2016-2020 : les grands axes
Avec l’adoption de ce programme national, l’économie tunisienne marque son passage vers un nouveau modèle de développement qui nécessite des changements majeurs au niveau de la politique économique et sociale du pays. Ces réformes structurelles supposent la mise en place de nouvelles règles institutionnelles, de nouveaux codes et de nouvelles politiques sectorielles, notamment industrielles, a déclaré Taoufik Rajhi.
Depuis la révolution, la croissance potentielle de la Tunisie est passée de 5 à 3%. Cette chute vertigineuse est essentiellement due à la baisse de la productivité et au recul de l’investissement national dont le taux est inférieur à 18%, a révélé Tawfik Rajhi. Ce programme de réformes majeures ambitionne de rétablir notre croissance potentielle et nous permettre de réaliser des gains de productivité suffisamment importants pour améliorer l’employabilité dans l’ensemble des secteurs économiques. « Nous devons aboutir à une dynamique de croissance créatrice d’emploi et réductrice des inégalités », a souligné Rajhi en précisant que les grands axes autour desquels s’articule ce programme de réformes sont l’amélioration du financement de l’économie, le renforcement des équilibres financiers et budgétaires, le développement des ressources humaines, la refonte des filets de la protection sociale et le renforcement du cadre institutionnel et réglementaire du pays. La productivité et la croissance sont donc les composantes essentielles de ces réformes.
Quel rôle et quelle place pour l’ingénieur dans tout cela ?
« Si on veut vraiment favoriser une économie industrialisée à forte valeur ajoutée, nous devons œuvrer pour le renforcement du rôle des ingénieurs dans l’appareil productif. Le reengineering est la mère des réformes », a martelé le fervent défenseur du corps de métier des ingénieurs, Walid Belhaj Amor.
Selon lui, aucune réforme ne pourra aboutir si le pays, qu’il qualifie de sous-gouverné et de sur-administré, ne sort pas de sa politique « low cost » généralisée, où la machine économique est totalement rouillée à cause de la corruption et des conflits d’intérêts majeurs au sein de L’État. « Nous avons un réel problème d’éthique et un réel problème de conflits d’intérêts et de passe-droit », a-t-il signalé en ajoutant que « l’ingénieur doit désormais occuper une place dans l’espace public et politique, s’exprimer librement et intervenir partout où il faut intervenir ».
Il a enchainé en soulignant que le domaine politique est accaparé par les juristes et les avocats et que c’est aux ingénieurs de se faire une place dans ce paysage.
Belhaj Amor a par la suite appelé à créer une agence d’exécution des projets pour améliorer l’investissement public dont la réalisation de dépasse pas les 40%, a-t-il estimé. « Les ingénieurs sont les principaux acteurs de l’innovation, de la recherche et développement et de la conceptualisation des projets. Ils sont capables d’avoir une vision claire et stratégique pour les besoins de notre pays », a-t-il dit.
Il a par ailleurs estimé qu’il est nécessaire pour l’Etat d’accorder une grande priorité à la formation de nos ingénieurs qui souffrent d’un manque de moyens et de l’absence de structures adéquates. Il est impossible de remettre le pays sur les rails des réformes majeures sans l’implication directe des ingénieurs dans le processus de développement, a finit par ajouter Walid Belhaj Amor.
Le cercle des ingénieurs
Le SG de l’OIT abdessatar Hosni a pour sa part présenté le projet de création du cercle des ingénieurs comme une prérogative pour ce corps de métier : « C’est un projet fédérateur qui doit nous unir pour permettre une meilleure intégration dans l’espace public et davantage de présence en politique. Nous pourrons ainsi plus facilement participer à l’élaboration des plans quinquennaux et au budget de l’Etat ».
Selon lui, les ingénieurs seront ainsi moins exclus et plus présents pour imposer leur esprit cartésien, la science et la technologie dans les modèles de développement économique du pays. « Le débat sociétal a grandement besoin de l’apport des ingénieurs, de leurs réflexions et de leur capacité à promouvoir le raisonnement scientifique et l’économie du savoir », a-t-il précisé en appelant toutes les compétences du pays à travailler en tandem, pour conclure.
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