Neymar au PSG pour 222 millions d’euros : du coup, le Qatar fait un gros coup diplomatique

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  • Neymar au PSG qui s’offre la star du football, pour la modique somme de 222 millions d’euros.

  • A travers ce transfert, le Qatar, qui détient le club de football parisien, affirme sa puissance alors qu’il est très isolé sur le plan diplomatique

Tunisie-Tribune (Neymar au PSG) – Le transfert de Neymar est une bonne nouvelle pour le PSG, mais aussi pour le Qatar. Alors que l’émirat est depuis deux mois sous le coup d’un blocus imposé par plusieurs pays, il réalise un joli coup de « soft power » via le club de football parisien. Doha détourne ainsi l’attention portée à la crise diplomatique dans le golfe persique et adresse un pied de nez à son grand rival saoudien

La Crise du golfe

Depuis le 5 juin dernier, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l’Égypte imposent des sanctions économiques à l’émirat « qu’ils accusent d’entretenir des liens avec des groupes islamistes, notamment les Frères Musulmans, de soutenir le terrorisme et d’être trop proche de Téhéran », explique Jean-Marc Rickli, directeur des risques globaux au Geneva Center for Security Policy. « Les relations entre l’émirat et ses voisins sont tendues depuis les révoltes arabes de 2011 », rappelle le chercheur.

« Lors de sa visite à Riyad en mai, Donald Trump s’est aligné sur la vision saoudienne de la région du golfe. Assurés du soutien des États-Unis, l’Arabie saoudite et ses alliés ont rompu leurs relations diplomatiques avec Doha, ce qui a mené à la situation actuelle ». Soit une crise diplomatique sans précédent dans la région.

Neymar, un joli coup de pub pour le Qatar

Dans ce contexte où Doha est isolé sur la scène internationale, le transfert de Neymar est un joli coup de pub pour l’émirat. En effet, le PSG a été racheté en 2011 par le Qatar Investment Authority (QIA), un fonds d’investissement créé par l’ancien émir qatari. En achetant le joueur brésilien pour la somme mirobolante de 222 millions d’euros, Doha « réalise une opération de communication stratégique globale, avec des répercussions politiques et diplomatiques », estime Jean-Marc Rickli. « Le Qatar change la rhétorique internationale liée à la crise avec ses voisins : on ne parle plus de sa politique régionale déstabilisatrice selon Ryad et Abou Dhabi, mais de Neymar ».

Dans un discours le 21 juillet, l’émir du Qatar avait lui-même insisté sur la nécessité de développer le « soft power au niveau international » [puissance douce, pouvoir d’influence à travers des moyens culturels ou idéologiques ; par opposition au hard power, qui englobe des moyens militaires et économiques]. Une stratégie «mise en place dès 1995 avec l’émir Hamad père de l’actuel émir Tamim», rappelle Jean-Marc Rickli. « L’objectif est de placer le Qatar sur la carte du monde, notamment avec la chaîne de télé Al Jazeera, dès 1996. L’utilisation du soft power est au centre de la politique qatarie ». La compagnie aérienne Qatar Airways et la chaîne de télévision BeIn Sports sont autant de traductions de cette politique.

Doha : 1 – Riyad : 0

Par ailleurs, ce transfert est aussi selon Jean-Marc Rickli « une démonstration de force destiné à l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ». Ces pays s’affrontent « pour l’hégémonie régionale », et cela se joue aussi dans le domaine du sport. « Dans le contexte actuel, Riyad et ses alliés verraient d’un assez bon œil que la Fifa retire l’organisation de la Coupe du monde football 2022 au Qatar », souligne le chercheur. L’arrivée de Neymar dans le club qatari permet à Doha « d’affirmer son rôle dans la politique du sport au niveau global et particulièrement dans le football », poursuit-il.

Pour combien de temps ? « Pour le moment, les adversaires du Qatar sont paralysés face à cette stratégie de contournement parce qu’aucun d’eux ne possède un levier de communication aussi puissant dans le domaine du sport international », explique Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à Paris, cité par l’AFP.

A l’intérieur du pays, ce transfert sert aussi le pouvoir qatari. « Les Qataris aiment vraiment le foot, ils suivent les championnats espagnol, anglais, français » se souvient Jean-Marc Rickli qui a enseigné dans l’émirat. Le transfert fait d’ailleurs la Une des journaux qataris. « Dans le climat actuel, où les pressions contre le Qatar ont accru le nationalisme, l’achat de Neymar est bon pour le moral de la population ». Un carton plein pour Doha.

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