Tunisie-Tribune (OCDE ) – Les femmes des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont un niveau d’études et de qualification plus élevé que jamais, mais en raison de l’existence d’obstacles juridiques et sociaux, la proportion de celles qui exercent une activité rémunérée demeure la plus faible du monde. Aligner la législation relative à la famille et au travail sur les objectifs concernant l’égalité entre les sexes permettrait à un plus grand nombre de femmes d’occuper un emploi et rendrait l’économie des pays de la région MENA plus compétitive et plus inclusive, selon un nouveau rapport de l’OCDE.
Intitulé L’AUTONOMISATION ÉCONOMIQUE DES FEMMES DANS LA RÉGION MENA : L’IMPACT DES CADRES JURIDIQUES ALGÉRIEN, ÉGYPTIEN, JORDANIEN, LIBYEN, MAROCAIN ET TUNISIEN [2],
- cet ouvrage constate que des progrès ont été faits s’agissant de la formation des femmes, de la ratification des conventions internationales destinées à promouvoir les droits humains et de l’inscription du principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans les constitutions nationales. Mais pour ce qui est d’adapter la législation et les normes sociales à ces avancées, les efforts ne sont pas suffisants.
Seulement 24 % des femmes des pays de la région MENA ont un emploi – ce qui est à comparer au chiffre de 60 % pour les pays de l’OCDE – et la discrimination fondée sur le sexe qui découle des lois et des normes sociales coûte à cette région 575 milliards USD par an, selon l’Indice ISE (Indice institutions sociales et égalité homme-femme) du Centre de développement de l’OCDE. Tirer pleinement profit du talent des femmes en âge de travailler entraine un gain économique et une croissance plus inclusive. On estime que si le taux d’activité des femmes progressait dans l’ensemble du monde jusqu’au niveau atteint par celui des hommes, le PIB mondial pourrait augmenter de 12 000 milliards USD, c’est-à-dire de 26 %, d’ici à 2025.
«L’égalité entre les sexes n’est pas seulement dans l’intérêt des femmes et de la collectivité, c’est aussi un moyen crucial de renforcer la croissance économique et de la rendre plus inclusive», a déclaré Gabriela Ramos, Directrice de Cabinet de l’OCDE et Sherpa du G20, et responsable des travaux de l’OCDE sur l’égalité femmes-hommes, en présentant le rapport lors de la réunion inaugurale du Forum MENA-OCDE pour l’autonomisation économique des femmes [3], au Caire. «La région MENA a réellement progressé en ce qui concerne l’inscription du principe de l’égalité entre les sexes dans la constitution, mais les femmes ne pourront véritablement accéder à l’emploi et à l’entrepreneuriat que si ce principe est intégré dans les systèmes juridiques et son respect assuré par un meilleur accès de celles-ci à la justice».
Un rapport mondial de l’OCDE intitulé Atteindre l’égalité femmes-hommes : un combat difficile [4], que Mme Ramos a présenté cette semaine au Women’s Forum [5] à Paris, souligne que l’égalité entre les sexes demeure un défi planétaire, et que de profondes disparités persistent entre les sexes dans tous les pays et dans tous les domaines de la vie sociale et économique.
Le rapport sur la région MENA qui a été rendu public aujourd’hui montre, entre autres discriminations, que les femmes de cette région n’ont souvent pas les mêmes droits que les hommes lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, d’avoir une profession, de voyager, de se marier ou de divorcer, de diriger une famille, de recevoir un héritage ou de détenir un patrimoine. Par exemple, en Égypte, en Jordanie et en Libye, les femmes sont encore obligées de demander l’autorisation de leur mari ou de leur père lorsqu’elles souhaitent travailler.
En raison d’une législation du travail «protectrice» qui impose aux femmes des restrictions quant à leurs horaires de travail et aux secteurs dans lesquels elles peuvent travailler, ainsi qu’aux attentes de la société qui font reposer sur leurs épaules l’essentiel des tâches domestiques et parentales, la préférence est donnée aux hommes lors du recrutement et de l’avancement. Les femmes entrepreneuses qui souhaitent développer leur entreprise se heurtent à des obstacles qui tiennent spécifiquement au fait qu’elles sont des femmes, lesquels touchent, par exemple, à l’accès au financement, à l’enregistrement de l’entreprise et à la liberté de circuler.
L’inégalité d’accès au patrimoine familial et à la propriété est aussi un puissant frein à l’épanouissement des femmes dans la vie économique. Dans les six pays examinés, c’est la séparation et non la communauté des biens qui constitue le régime matrimonial par défaut, et les biens sont généralement au nom de l’époux.
Les auteurs du rapport présentent aux pays MENA les recommandations suivantes :
- Actualiser la législation du travail de façon à combattre les discriminations contre les femmes dans tous les types d’activité et tout au long de la vie active. Intensifier la surveillance et durcir les sanctions pour remédier au décalage entre la législation du travail et les pratiques effectivement suivies.
- Réexaminer des dispositions relatives au congé de maternité et à la garde des enfants. Encourager les employeurs à favoriser l’emploi à temps partiel, le télétravail et les horaires flexibles.
- Garantir aux femmes la sécurité sur leur lieu de travail et sur le trajet entre celui-ci et leur domicile en faisant strictement appliquer la réglementation relative au harcèlement sexuel et en punissant les contrevenants, en sanctionnant le harcèlement dans les lieux publics et en améliorant les transports en commun.
- Réduire les obstacles à l’entrepreneuriat des femmes au moyen de politiques qui favorisent l’égalité d’accès au financement, interdisent la discrimination fondée sur le sexe ou la situation de famille, encouragent la création de registres des crédits et d’agences de renseignements commerciaux et permettent de renforcer l’éducation financière des femmes.
- Favoriser l’application du régime de la communauté des biens entre les époux et permettre aux femmes d’avoir un droit égal aux biens acquis durant le mariage en cas de divorce. Revoir la législation concernant l’héritage de manière à garantir l’égalité entre les femmes et les hommes.
- Faire en sorte que les juges et autres professionnels du droit aient une meilleure connaissance des droits des femmes et améliorer l’accès des femmes au système judiciaire.
- Aligner le code du statut personnel sur les principes de l’égalité entre les sexes et de la non-discrimination entre les femmes et les hommes qui sont inscrits dans les constitutions nationales et les engagements internationaux.
- Rassembler des données pour mieux comprendre l’impact que les lois de la famille et les stéréotypes de genre qui en résultent ont sur la capacité des femmes de prendre des décisions et de s’engager pleinement dans l’économie et la société, et élaborer des politiques pour aider les femmes à réaliser leur plein potentiel.