En Tunisie, les spéculations se sont emparées de la question. Ce lundi 12 février, lorsqu’il vient répondre aux questions des députés de la commission de Défense et de Sécurité, Abdelkrim Zbidi, le ministre de la Défense fait une révélation qui flatte autant la fierté nationale qu’elle alimente la polémique.
Chantage financier pour faire plier Tunis
Dans un scénario proche d’un chantage financier, la Tunisie a refusé à l’organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’installation d’un centre de commandement à Gabès, dans le sud-ouest de la Tunisie. Pour l’organisation militaire multinationale, cette base militaire aurait dû servir à la centralisation de la collecte et de l’analyse d’informations pour des opérations maritimes, terrestres ou même spatiales. Dans le lot, la lutte contre l’immigration clandestine, le terrorisme, la criminalité transnationale organisée (CTO)…
Pour faire pression sur Tunis d’accepter l’installation de la base, l’OTAN aurait menacé de faire bloquer un don de 3 millions d’euros de l’Union européenne (UE) à l’armée tunisienne dans le cas où Tunis refuserait d’ouvrir son territoire à la base de l’OTAN. Pour user de la carotte, l’organisation militaire a proposé une aide permanente et une expertise technique pour un centre d’opérations que Tunis souhaite développer.
« Le gouvernement a demandé l’obtention d’une subvention pour la Tunisie, à la condition qu’aucun parti en dehors de l’institution militaire tunisienne n’intervienne dans ce centre, et que le lieu où le centre sera établi soit à l’intérieur du territoire tunisien et choisi par le ministère de la Défense », a posé la Tunisie comme contre-proposition selon Abdelkrim Zbidi.
Clairement, le calcul de la Tunisie est de se passer de la présence de militaires étrangers sur son sol pour ensuite développer une expertise militaire qui lui permettrait d’être le sous-traitant de l’OTAN voire des puissances occidentales. Pour autant, beaucoup de zones d’ombre entourent encore le contexte de la proposition de l’OTAN.
Contre-proposition tunisienne
L’hypothèse la plus plausible est celle de négociations ratées entre Tunis et l’OTAN. En 2015, l’organisation transatlantique avait promu la Tunisie au rang d’allié majeure, dons de matériels militaires à l’appui, avant de faire connaître, l’année suivante, son intention de détenir une base dans le pays.
Mais la proposition de l’OTAN a convoqué en Tunisie, les mauvais souvenirs d’un revers gouvernemental sur une situation similaire. Après avoir plusieurs fois démenti l’information, les autorités tunisiennes ont été prises au dépourvu lorsqu’en 2016, suite à une enquête sur un scandale sexuel, l’US Army a révélé l’existence d’une immense base à Remada, à 600 kilomètres au sud de Tunis.
La polémique enfle en Tunisie et les conjectures s’enchainent. Tunis souhaiterait-elle se prémunir d’un autre revers de ce type en révélant la proposition de l’OTAN ? En tout cas, cette fois-ci, le gouvernement se veut précautionneux et transparent sur l’affaire. Pour d’autres commentateurs, cette fausse vraie révélation d’Abdelkrim Zbidi n’est destinée à faire pression sur l’OTAN pour lui faire accepter les termes d’une négociation entamée depuis au moins 2015.
En portant sur la place publique la proposition à la limite « indécente » de l’OTAN, dans une position de « maître-chanteur », Tunis peut négocier en position de force pour obtenir plus de concessions sur la proposition initiale. Dans la polémique, les Tunisiens attendent d’être édifiés sur une présence militaire controversée.