Tunisie-Tribune – l’ancien ministre de l’ère Bourguiba, Tahar Belkhoja, a accordé, à l’occasion de la célébration de la Fête de la République, ce mercredi 25 juillet 2018, une longue interview à Express Fm. Nous en reprenons ci-après, les principaux points.
Le fait saillant de cet entretien est l’appel solennel lancé par Tahar Belkhoja au président de la République pour l’exorter à annoncer publiquement sa décision de ne pas s’impliquer dans le processus électoral de 2019.
Ainsi, selon l’interviewé, Béji Caïd Essebsi devrait s’atteler, durant la période qui lui reste, à s’atteler à ’amendement de la Constitution, de façon à réviser le système politique qui est à l’origine des blocages et de la paralysie de la gestion de l’action publique. « D’ailleurs, je lui ai fait part, directement, de cette option. C’est une démarche qu’il fautentreprendre afin de sauver le pays de l’impasse actuelle », précise t-il en substance.
Il est inconcevable et impensable que la situation perdure encore pendant cinq autres années. La solution ? « Réunir entre cinq et dix juristes en vue d’amender quelques articles de la Constitution et les soumettre à un referendum pour les adopter », a indiqué Tahar Belkhoja qui trouve « ridicule et indécent qu’un chef de gouvernement se rebelle contre le chef de l’Etat qui doit avoir l’autorité qui lui sied.
C’est pour cela que le président de la République doit demeurer, d’ici 2019, au dessus de la mêlée et tout faire pour remettre les choses sur les rails. Pour cela, il dispose de moins d’un an et demi, pour réussir à redonner au pays les dimensions nécessaires pour qu’il soit gouvernable, clame t-il encore.
Ainsi, Béji Caïd Essebsi doit se détacher de son parti de Nidaa et non pas en présider les réunions comme il vient de le faire, ce qui est contraire à l’esprit de la Constitution. D’ailleurs, « parmi les points à réviser, affirme t-il, est cette aberration de pléthore de partis. C’est inadmissible qu’il y ait plus de 250 partis politiques dont on ne sait rien de leur fonctionnement et de leur financement… »
Et d’abonder dans le même sens en assurant « que tout en étant pour le processus démocratique, il est inadmissible que 30 ou 40 candidats se présentent à l’élection présidentielle pour recueillir finalement quelques miettes. L’élection présidentielle a son prestige et ne constitue nullement un jeu ou une figuration pour la galerie. Dans les plus grandes démocraties, le nombre des candidats ne dépasse pas, parfois, les trois ou quatre… »
Tahar Belkhoja trouve anormal, aussi, que la Tunisie soit dépourvue, encore, d’une Cour constitutionnelle. Cela fait près de quatre ans que l’adoption de la nouvelle Constitution ait eu lieu :«J’ai fait un rapport à Bourguiba dès 1962 sur cette nécessité », se rappelle t-il.
Veillant à rester au dessus des tiraillements politiques actuels, Tahar Belkhoja a eu, tout de même, des positions audacieuses et tranchées sur certains sujets brûlants.
Ainsi, outre la nécessité d’amender la Constitution, un leitmotiv tout le long de l’interview, Tahar Belkhoja a donné sa vision du rôle des organisations nationales et sur la nature du fonctionnement du ministère de l’Intérieur.
Concernant le premier volet, l’interviewé reconnaît, certes le rôle des organisations telles l’UGTT et l’UTICA, mais elles demeurent, selon lui, à vocation essentiellement professionnelle et devraient s’y limiter loin des tiraillements et des implications directes dans la vie politique pure et dure.
Concernant le ministère de l’Intérieur, Tahar Belkhoja estime qu’il doit rester l’apanage des techniciens et des spécialistes en la matière, ce qui n’a pas été le cas après 2011, dans le sens où il a enregistré des infiltrations, de la politisation sans oublier la multiplication des plateaux débattant des questions sécuritaires, chose qu’il faut arrêter car il ne faut pas faire étaler le traitement des dossiers sécuritaires sur la voie publique.
Quant au récent clivage au sein du ministère de l’Intérieur, il a trouvé inconcevable que ce portefeuille soit confié à un intérimaire durant une période aussi longue tout en faisant remarquer qu’on a eu de bons résultats avec l’ancien ministre, Lotfi Braham, au fait des affaires des services de sécurité et de la Garde nationale, mais malheureusement, il n’y est resté que pendant quelques mois et n’a pas eu le temps nécessaire de conduire à bon escient les affaires de ce département.
Le début de cette interview a été, par ailleurs, une occasion pour avoir un aperçu sur l’itinéraire politique de Tahar Belkhoja avec ses multiples passages à travers les divers postes de responsabilité dans les départements des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de l’Agriculture, de la diplomatie en tant qu’ambassadeur et des sports.
Cela a été, aussi, une opportunité pour avoir l’avis de l’interviewé sur la signification et la symbolique de cette date du 25 juillet 1957 consacrant le passage de l’ère des Beys de la dynastie husseinite à celle de la République et son premier président, le leader Habib Bourguiba.
Et pour la première fois, l’interviewé a évoqué l’épisode de la « dissolution » de l’Espérance Sportive de Tunis en 1971 suite aux incidents survenus au Stade d’El Menzah. Après concertations avec le Premier ministre, Hédi Nouira, la décision a été prise tout en en informant le président Bourguiba qui se trouvait à l’étranger. Or, sans l’annoncer publiquement, ladite décision portait sur une période de deux mois seulement.
Pour conclure l’entretien, Tahar Belkhoja a lancé un appel à Béji Caïd Essebsi : « Ayez une vision pour l’avenir proche. Les Tunisiens ont besoin de sentir qu’il y a une réelle volonté de changer les choses vers le meilleur, d’avancer, donc de se sentir en confiance envers leurs gouvernants… »