Tunisie-Tribune – Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) dans un communiqué rendu public mardi 31 juillet, rejette la proposition faite par l’Union européenne à la Tunisie, dans le cadre des négociations de l’ALECA, de mettre en place un mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et Etat, sous l’appellation “système judiciaire pour l’investissement” (Investment Court System ou “ICS”).
Le FTDES estime que “ce système, qui permettrait à un investisseur européen d’attaquer directement l’Etat tunisien devant un tribunal privé, sous le prétexte qu’une décision, une loi ou une mesure menacerait ses investissements et même ses profits futurs, porte une atteinte grave à la souveraineté de l’Etat tunisien et à la démocratie”.
Toujours selon le Forum, “les cours d’arbitrage pour les investisseurs posent plusieurs problèmes inacceptables, étant donné que les investisseurs peuvent attaquer des mesures d’intérêt public, comme les mesures sanitaires, de protection de l’environnement, d’intérêt social… Même lorsque les Etats gagnent les (longues) procédures, ils peuvent être freinés dans leur régulation par peur d’être poursuivis. C’est donc totalement anti-démocratique”.
“Ce système permet aussi aux investisseurs étrangers d’attaquer des Etats sans passer par la justice nationale à laquelle ils devraient pourtant être soumis. C’est, en plus, une justice à sens unique puisque l’Etat ne peut pas attaquer les investisseurs. Ils ne sont pas soumis à la même procédure pour des cas de violations des droits humains par exemple. C’est aussi par nature en faveur des investisseurs. De nombreux arbitres, qui rendent les décisions, sont aussi des avocats d’affaires, des lobbyistes… Pour être à nouveau engagés, ils ont intérêt à ce que les entreprises gagnent, pour qu’elles continuent de poursuivre des Etats et qu’il y ait plus de procès”, estime aussi le forum.
Le FTDES a aussi argumenté son rejet de cette proposition par le fait que “l’arbitrage profite à des entreprises ou des individus déjà extrêmement privilégiés, puisqu’il faut avoir des moyens financiers considérables pour initier l’ICS”.
Il a rappelé, par ailleurs, que “cette procédure a déjà coûté des milliards de dollars à de nombreux Etats. Même lorsque l’Etat gagne, il doit engager des frais d’arbitrage exorbitants : en 2013, l’Equateur avait ainsi dépensé au total 155 millions de dollars, seulement pour sa défense. Des milliards de dollars collectés auprès des contribuables sont reversés aux entreprises avec ce système, y compris pour compenser la perte éventuelle de profits futurs escomptés (la Libye a par exemple été condamnée à payer 905 millions de dollars à une entreprise n’en ayant investi que 5)”.
Le Forum a ainsi interpellé la société civile et les pouvoirs publics pour que l’arbitrage entre investisseurs et Etat soit “catégoriquement refusé”.