Tunisie-Tribune ( sommet de Davos et le Forum économique mondial ) – Le sommet de Davos se tiendra cette semaine du 23 au 25 janvier. On y verra chefs d’entreprises, dirigeants politiques, empereurs médiatiques et autres membres de l’élite mondiale se serrer la main, s’échanger leurs cartes et prendre des photos, affichant leurs plus beaux sourires. Officiellement, ils se réunissent pour « améliorer l’état du monde ». En réalité, qu’est-ce que le sommet de Davos? Une réunion de réseautage organisée par et pour les puissants de ce monde. Décryptons tout ça.
Le Forum économique mondial : au service du monde des affaires
Situé dans ce haut-lieu bancaire qu’est Genève, le Forum économique mondial (FEM) est l’une des composantes les plus illustres de l’actuel système mondial.
Le FEM est dirigé par un «bureau des curateurs» et par un comité exécutif qui relève du précédent. Le bureau des curateurs prétend rassembler des figures de proue tant du monde des affaires que des milieux politique, académique et de la société civile. Les membres du bureau des curateurs sont divisés de manière égale entre ceux qui sont issus du monde des affaires et ceux qui proviennent d’autres sphères.
Le Forum prétend diviser ainsi statutairement les vingt-quatre membres de son bureau des curateurs pour refléter la multitude d’intervenants s’y faisant entendre, omettant ainsi que, de facto, le milieu des affaires s’y trouve très nettement surreprésenté.
Le Forum économique mondiale est financé par les cotisations des mille entreprises membres, lesquelles sont considérées comme les mille premières entreprises au monde. Deux types de membres existent, les «membres institutionnels» et les «membres du Forum».
Les «membres institutionnels font partie des compagnies les plus reconnues et les plus respectées dans le monde [et] s’engagent activement dans les initiatives et les programmes du Forum » tandis que les « membres du Forum sont parmi les firmes les plus innovantes au monde, des façonneurs de marché, des meneurs dans des secteurs donnés et des champions régionaux ».
Le Forum est aussi une véritable nébuleuse, organisée en un très grand nombre de comités et de réseaux.
L’origine du sommet
En 1971, un économiste allemand nommé Karl Schwab a invité 444 dirigeants d’entreprises européens à participer à un symposium consacré au management, organisé à Davos. L’objectif était de « sensibiliser » les entreprises européennes aux méthodes managériales américaines.
Le symposium de 1971 avait été organisé par l’European Business Leaders, groupe fondé par Schwab pour bâtir une classe d’affaires et une dynamique économique aussi redoutables que celle que les États-Unis faisaient miroiter.
La tradition d’une réunion annuelle était alors instaurée.
En 2018, le journal Le Monde avait bien raison de qualifier la rencontre de Davos de «forum économique le plus politique de la planète».
Un objectif : soumettre les politiques aux intérêts du big business
Quand on lit les documents d’orientations du FEM, il est clair qu’une entreprise ne saurait exister d’elle-même, de manière strictement indépendante de toute considération externe et en ignorant les pouvoirs publics. Plus qu’une philosophie managériale, il s’agit d’un pan entier de la raison d’être du Forum et de son sommet annuel à Davos : permettre le réseautage des dirigeants des plus puissantes entreprises avec les responsables politiques, et, au passage, de favoriser la concertation entre ces acteurs lors des prises de décisions à l’échelle mondiale.
En toute cohérence, des dirigeants politiques furent alors invités à Davos pour la première fois en 1974. Puis, en 1987, on a cherché à revamper l’image de l’European Management Forum en le rebaptisant World Economic Forum. Le message était clair : nous ne traitons pas seulement des entreprises privées, mais de l’économie dans son ensemble. Depuis 2015, le Forum économique mondial a même le statut d’organisme international.
Et pourtant, une lecture attentive des productions du FEM, comme leur rapport annuel sur la compétitivité des États (dont la méthodologie se fonde en grande partie sur des sondages faits auprès des chefs d’entreprises de chaque pays), nous indique une vision où les pouvoirs politiques du monde entier ne sont voués qu’à une seule mission : servir les investisseurs du monde entier.
Il apparaît clair, à la lumière de cette histoire, de cette structure et de ce constat voulant que « le progrès arrive en mettant ensemble des gens d’horizons divers qui ont la volonté et l’influence de faire des changements positifs », pour reprendre les prétentions officielles du FEM, qu’il s’agit d’une vaste instance de réseautage pour les puissants de ce monde.
Au final, le sommet de Davos et le Forum économique mondial, quossa donne? Pour les tenants du big business, bien des avantages au chapitre de la richesse et du pouvoir. Pour les gens comme vous et moi, pas grand-chose…