Tunisie-Tribune (pages politiques trompeuses) – La société de Mark Zuckerberg a annoncé jeudi 16 mai avoir supprimé 265 comptes, pages et groupes, sur Facebook et Instagram, faisant tous partie d’un même réseau utilisé pour diffuser de fausses informations ou influer de manière malhonnête sur le débat politique. La plupart de ces comptes visaient les internautes de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne (Togo, Angola, Nigeria, Niger…), mais aussi d’Asie du Sud-Est, de Tunisie et du Brésil.
En tout, ces différents comptes étaient suivis par environ 2,8 millions de personnes. Durant sept années, ils ont diffusé pour plus de 700 000 euros de publicités politiques. Ces dernières ont été payées en shekels israéliens, en reais brésiliens et en dollars américains, selon les informations données par Facebook.
Des exemples de messages rendus publics par les équipes du réseau social montrent que ces pages servaient à diffuser des infox. Un message écrit en français, publié par une page appelée « L’Afrique cachée » et destinée aux internautes maliens, affirmait par exemple qu’Airbus avait investi dans une mine d’or appartenant à un proche du pouvoir au Mali.
« Certaines pages se présentaient comme étant la création d’acteurs locaux, voire comme des médias des pays concernés, et publiaient de prétendues informations confidentielles sur des hommes et des femmes politiques », a détaillé Nathaniel Gleicher, le responsable de la sécurité de Facebook, dans une conférence de presse à laquelle Le Monde a assisté.
« Ces comptes n’ont pas été supprimés en raison de ce qu’ils disaient ou de qui les avait créés, mais en raison de leur comportement, qui visait à tromper les utilisateurs », a-t-il précisé. Ces derniers mois, Facebook a procédé à plusieurs suppressions de groupes de comptes jugés coupables de « comportement inauthentique coordonné » − l’expression utilisée par l’entreprise pour désigner les opérations de désinformation menées par de faux comptes sur le réseau social.
Une entreprise israélienne derrière ces comptes
Fait rare, l’enquête de Facebook est parvenue à désigner très précisément les créateurs de ces comptes : l’entreprise israélienne Archimedes Group. L’ensemble des comptes gérés ou créés par l’entreprise ont été supprimés, et il lui sera désormais interdit d’en créer de nouveaux, selon Facebook. Le réseau social précise avoir fait parvenir à Archimedes Group une injonction à cesser ses activités sur la plate-forme.
Contactée, l’entreprise n’avait pas donné suite aux sollicitations du Monde au moment de la publication de cet article. Plutôt discrète, Archimedes Group se présente comme une société fournisseuse d’outils électoraux, vendant notamment une suite logicielle, Archimedes Tarva, conçue pour « la gestion de campagnes de masse sur les réseaux sociaux » ou encore les « opérations nécessitant un nombre illimité de comptes ».
Sur son site, Archimedes Group laisse entendre qu’elle travaille principalement pour des clients en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Son PDG, Elinadav Heymann, a longtemps travaillé dans la politique. Après un passage dans l’armée de l’air israélienne, il a dirigé de Bruxelles le lobby pro-israélien European Friends of Israel, inactif depuis plusieurs années, et également travaillé comme consultant politique. Dans plusieurs tribunes et interventions publiques consultables en ligne, il a défendu ces dernières années les positions d’Israël sur la lutte contre le terrorisme et contre les appels au boycott de produits israéliens. En mars, il participait à l’Aipac Policy Conference, le grand rassemblement politique pro-israélien prisé par les conservateurs américains.