Tunisie-Tribune (BCE refuse de parapher la loi électorale) – Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a surpris plus d’un en annonçant, par la voix de Ben Nticha, son conseiller politique, la non promulgation de la version amendée de la loi électorale.
- Certains se posent la question : « Est-ce que les représentants du peuple siégeant à l’ARP ont le droit de légiférer pour protéger le pays des défaillances d’une démocratie naissante ? »
Le conseiller, rappelons-le, avait souligné que le président ne souhaitait pas promulguer une loi qui risque de semer la division et la zizanie avant les élections. La décision du président de la République était-elle la bonne ? Ne risque-t-elle pas de semer la colère de l’autre camps, de ceux qui cherchant à protéger à leur manière, le pays, ont voté démocratiquement ce projet de loi ?
- Est-ce une violation de la Constitution ?
Pas si sûr, si l’on prend en compte, tout d’abord, les avis des experts en Droit Constitutionnelle. S’exprimant dans une déclaration à l’agence TAP, la constitutionnaliste Selsibil Kélibi avait affirmé que le Chef de l’État a violé l’article 81 de la Constitution, puisque Béji Caïd Essebsi n’a ni renvoyé le texte à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) ni provoqué un référendum.
Sur la scène politique, même ceux qui ont toujours soutenu le président n’ont pas pu s’empêcher de critiquer sa décision. Il s’agit, notamment, de Mohsen Marzouk, secrétaire général de Machrou3 Tounes. Dans un statut Facebook, il a souligné que le Chef de l’État n’avait pas le droit de refuser la promulgation de la loi électorale dans sa version amendée, rappelant les mêmes possibilités mentionnées par la constitutionnaliste et ajoutant que le président s’est retrouvé dans une situation « d’illégalité » et « d’inconstitutionnalité ».
Le député d’Ennahdha, Habib Kheder, a lui aussi fustigé la décision du président de la République dans un statut Facebook. Il a lui aussi évoqué la violation de la Constitution. « Ne nous parlez plus de votre respect pour la Constitution et des institutions. Ce qui vient de se passer n’avait même pas eu lieu avec le régime despotique ! », a-t-il écrit. Et c’est sans compter la réaction de Ghazi Chaouachi, député du Courant Démocratique, qui a appelé Béji Caïd Essebsi à démissionner.
- Contesté au sein de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi se mêlerait-il aussi des affaires de l’État ?
Mais les plus virulentes des critiques ont notamment été adressées à Hafedh Caïd Essebsi, le petit protégé du président de la République, qui a une fois encore oublié son statut de simple chef de parti. Il s’est permis, samedi 20 juillet 2019, de parler au nom du président de la République et de la présidence de la République elle-même en affirmant que son père ne promulguera pas la loi électorale dans sa version amendée.
L’intervention d’Essebsi Fils et la décision du Père interviennent peu après une rencontre entre le Fils et Nabil Karoui, patron controversé de Nessma TV et du parti Au Cœur de la Tunisie. L’information n’a pas été démentie par Hafedh, loin de là !
Ce dernier, sur El Hiwar Ettouni, avait souligné qu’il pouvait rencontrer tout le monde, y compris le Chef du gouvernement Youssef Chahed. Mais le timing de la rencontre n’avait sans doute rien d’innocent.
- D’ailleurs, ce même Nabil Karoui a rencontré le Chef de l’État sur le même sujet.
- Nul doute que la non promulgation de la loi électorale était au centre des discussions, et Dieu seul sait quel genre d’accords auraient été conclus entre Essbsi Fils et Nabil Karoui.
L’influence de l’homme d’affaires serait-elle aussi importante pour qu’il pousse le Chef de l’État à violer la Constitution ? Compte tenu de ce qui vient de se passer, il semble que c’est le cas.
- D’autres pensent que les amendements apportés à la loi électorale ont une finalité claire : exclure des adversaires politiques gênants à quelques mois des élections :
- « C’est indéniable, un tel texte aurait constitué une honte pour notre démocratie s’il avait été promulgué. »(et si cette démocratie était saine ? puisque tout accord passe par un arrangement ou Tawafek aux dépens de l’intérêt du pays !)
- La solution serait-elle ailleurs ?
Néanmoins, en ce qui concerne le Chef de l’État, il aurait pu se placer au-dessus de toute considération politique, loin de l’influence infernale de son fils qui a toujours fourré son nez dans les affaires de l’État. Des affaires qui le dépassent mais qu’il s’obstine à vouloir gérer alors qu’il n’a aucun droit de le faire et, surtout, qu’il n’a aucune compétence pour y arriver.
- Béji Caïd Essebsi, aurait pu exprimer son refus de la loi électorale dans sa version amendée, mais en respectant la Constitution et les procédures légales prévues à cet effet.
Pour la fin de son mandat, ça aurait pu être un acte respectable de sa part. Mais il semble, une fois encore, avoir cédé aux pressions de son fils.
La seule assurance dont nous disposons à présent, est que les élections auront lieu à temps. C’est déjà cela. Pour le reste, l’affaire est à suivre.