Comment le coronavirus de Wuhan peut contaminer l’économie (vidéo)

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Tunisie-Tribune (coronavirus de Wuhan) – Le coronavirus 2019-nCoV risque d’avoir un impact plus important sur l’économie chinoise et mondiale que le Sras si l’épidémie perdure. La Chine de 2020 n’a, en effet, rien à voir avec celle de 2003 et l’économie est plus globalisée que jamais.

Les Bourses asiatiques qui dégringolent, le prix du baril de pétrole en forte baisse, et le gouvernement chinois prêt à dépenser 170 milliards de dollars pour soutenir son économie. Le virus de l’anxiété se répand dans les milieux économiques alors que l’épidémie de coronavirus dont l’épicentre se trouve à Wuhan (centre de la Chine) continue de se propager, avec plus de 17 000 personnes infectées dans le monde, et 362 malades décédés en Chine, d’après les dernières estimations de Pékin, lundi 3 février.

L’impact économique du coronavirus 2019-nCoV reste difficile à mesurer tant que la situation épidémiologique ne s’est pas stabilisée et permette aux experts d’évaluer l’ampleur des dégâts. Le plus simple serait de se référer à l’épidémie de Sras, le « cousin germain » du nouveau virus, qui avait infecté près de 8 000 personnes et entraîné environ 800 décès entre 2002 et 2004.

En 2003, l’économie avait rapidement rebondi

Économiquement, la comparaison est plutôt rassurante. « L’impact du Sras avait été assez faible« , rappelle Nathalie Coutinet, économiste de la santé à l’université Paris 13, interrogée par France 24. Ce coronavirus avait coûté 2 points à la croissance chinoise au premier trimestre de 2003, mais l’économie avait rapidement rebondit ensuite, permettant au pays de tenir ses objectifs d’une hausse de 10 % du PIB cette année-là.

À l’époque, l’épidémie avait essentiellement affecté le tourisme, le transport et, dans une moindre mesure, la production industrielle. Des secteurs traditionnellement en première ligne lors des crises sanitaires qui poussent les autorités à restreindre les mouvements pour éviter la propagation des virus.

L’onde de choc économique du Sras s’était essentiellement cantonnée à l’Asie, avec des pays comme la Thaïlande, l’Indonésie ou la Malaisie ayant connu une forte baisse du nombre de touristes chinois et des difficultés pour les entreprises de s’approvisionner auprès des fournisseurs chinois. Mais, là encore, « l’impact a été largement limité au deuxième trimestre de 2003, et l’activité a ensuite repris, indiquant que le choc économique du Sras a été de courte durée pour la région et les conséquences pour l’économie mondiale ont été très faibles« , avait conclu la Banque centrale australienne en juillet 2003.

Nouvel an chinois et dette des entreprises

À la lumière de ce précédent, les réactions violentes des marchés financiers peuvent apparaître disproportionnées. Mais l’épidémie actuelle présente des spécificités qui incitent les économistes à craindre que « le choc pour la Chine sera plus violent qu’en 2003« , comme l’assure notamment la chaîne économique Bloomberg. D’abord, Wuhan, le berceau du nouveau coronavirus, est un centre industriel majeur en Chine, qui se retrouve aujourd’hui totalement à l’arrêt. « C’est la deuxième plus importante ville pour l’industrie automobile chinoise et un nœud essentiel du réseau des transports en Chine« , note Raphie Hayat, analyste pour la banque néerlandaise Rabobank et spécialiste de l’économie des pays d’Asie du Sud-Est, dans une note sur les conséquences économiques du coronavirus de Wuhan.

Ensuite, cette épidémie arrive au pire moment pour l’économie chinoise. Elle a commencé juste avant le début des festivités du Nouvel An chinois, une période traditionnellement propice à la dépense des ménages. Et la croissance chinoise dépend bien plus de sa consommation intérieure qu’au début du siècle, lorsque le pays était essentiellement un fournisseur de main d’œuvre à bas prix pour l’industrie textile occidentale. « En 2000, la consommation représentait un peu plus de 40 % de la croissance chinoise, contre 60 % aujourd’hui », précise le Wall Street Journal.

Enfin, contrairement au Sras, le nouveau coronavirus risque aussi laisser des traces permanentes dans l’économie chinoise. Du moins, si l’épidémie n’est pas rapidement contenue, car l’ampleur du prix économique à payer « dépend de la durée de la crise« , souligne à France 24 l’économiste Nicole Coutinet. Le risque majeur provient des « entreprises chinoises qui sont très endettées« , rappelle cette spécialiste de l’université Paris 13. Leur capacité à rembourser peut être mise à mal par une chute brutale de la consommation et une mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie chinoise. Le virus de Wuhan pourrait entraîner une succession de faillites avec des conséquences potentiellement importantes sur l’emploi. C’est d’ailleurs essentiellement pour parer à ce risque que Pékin a décidé de mobiliser 170 milliards de dollars, qui pourront être prêtés aux entreprises en difficulté. Mais est-ce que cela sera suffisant ?

Des conséquences de la Chine à la Hongrie

Cette question n’intéresse pas seulement Pékin. Car l’économie chinoise représente aujourd’hui 17 % du PIB mondial, contre seulement 4 % en 2003. Le touriste et le consommateur chinois sont devenus vitaux pour de nombreuses marques. Ce n’est pas un hasard si depuis le 20 janvier, les valeurs boursières des enseignes de luxe et de chaînes d’hôtels sont en forte chute, rappelle l’assureur allemand Allianz dans une note publiée le 30 janvier et consacrée aux secteurs les plus exposés au coronavirus.

La Chine est aussi « devenue un maillon important de la chaîne d’approvisionnement mondial« , souligne l’analyste de Rabobank Raphie Hayat. Des entreprises dans tous les pays dépendent des composants « made in China » pour leur production. « C’est particulièrement important pour les secteurs de la chimie, du transport, du textile et de l’électronique« , énumère Allianz dans sa note. L’assureur estime que dans ces quatre secteurs spécifiques, les pays qui risquent le plus de souffrir si le maillon chinois venait à manquer sont Taïwan, la Corée du Sud, la Hongrie, les Pays-Bas et l’Indonésie. Pour Raphie Hayat, le coronavirus fait peser un risque de récession mondiale « dans le contexte d’une croissance déjà molle et si l’épidémie perdure« .

En ce sens, l’épidémie du coronavirus « montre aussi les limites de cette mondialisation où chaque produit est conçu petit bout par petit bout aux quatre coins du monde. Lorsqu’un centre important, comme la Chine, s’arrête, l’ensemble des autres pays sont contaminés« , conclut Nicole Coutinet.