Tunisie-Tribune (Intelligence Artificielle & Conformité bancaire) – Les métiers de la banque et de la finance se sont emparés depuis quelques années des atouts de l’Intelligence Artificielle (IA) : agents conversationnels (chatbots), scoring client, gestion des portefeuilles ou encore le trading haute fréquence et détection de fraudes. Autant de nouveaux usages qui sont en train de changer la donne et permettent de gagner en précision, en performance et en expérience client.
En marge de ces bénéfices, l’IA suscite également de nombreuses craintes. La fiabilité des algorithmes semble parfois difficile à évaluer, sentiment de perte de contrôle et principe de « boîte noire » de certains modèles prédictifs.
La conformité et spécialement la détection d’abus de marché sont jusqu’à présent restées en marge de cette révolution de la data. Mais les choses changent…
La conformité à l’heure du machine learning
Depuis les années 2000, l’intelligence artificielle a plus que fait ses preuves dans le trading avec notamment les programmes de High Frequency Trading et des bénéfices record. Ici, ce sont des modèles mathématiques qui passent des ordres façon autonome et optimisée.
Coté conformité, en revanche, cette technologie commence tout juste à s’imposer avec des résultats qui ne laissent pourtant plus de doute. Le taux de détection de cas réels d’abus de marché grimpe généralement de 15% à 30% avec cette technologie. De plus, le cauchemar des analystes, les fausses alertes, sont quasiment divisées par 2. Cette précision sans égal permet dès à présent d’importants gains opérationnels. Les analystes gagnent du temps et se concentrent sur les cas réellement suspects.
L’AMF ne s’y est pas trompé. Le gendarme de la bourse utilise ces technologies depuis de plusieurs années pour détecter les transactions prohibées.
L’efficacité des sciences de la data dans l’analyse des marchés est assez logique. Les volumes de données sont très importants, les sources hétérogènes (ordres, exécutions, news financières, cotations…) et les besoins de puissance de calcul croissants. De plus, l’enjeu de ces analyses est de donner un sens au triptyque Emetteur, Transaction, Bénéficiaire. C’est la première qualité de la modélisation mathématique : donner un sens aux données pour les comprendre.
Loin des boites noires originelles, les outils de détection de fraudes incluant du machine learning proposent aujourd’hui l’identification de la transaction suspecte, l’évaluation du risque ainsi que l’explication détaillée des raisons de l’alerte explique Alexis Monier, CEO d’AfterData.
Dans un secteur où les coûts ne cessent d’augmenter (15% par an en moyenne) et où la pression du régulateur ne connaît pas la crise, ces outils « nouvelle génération » pourraient amener un ballon d’oxygène salutaire.
L’intelligence artificielle ou l’amour de la répétition
Le principe fondateur de l’intelligence artificielle est d’analyser des opérations passées pour donner u sens aux transaction futures. Par exemple, pour apprendre à un modèle à reconnaitre des scénarios de fraude du type Ping order, il faut « présenter » des cas de fraudes avérés de cette catégorie. Ensuite, le modèle sera capable avec une précision redoutable de repérer les transactions ressemblant « globalement » à ces exemples. De la même manière, Siri, le moteur de reconnaissance vocale d’Apple® arrive à reconnaitre des mots qui ne sont jamais prononcés exactement de la même manière. A partir du moment où il est possible de l’entrainer sur des fraudes passées, un modèle mathématique sera capable de repérer les fraudes futures.
La principale limite de cette technologie vient de la créativité des fraudeurs. Une opération illicite réalisée avec un enchainement d’ordres placés, retirés, partiellement exécutés passera à travers les filets de l’intelligence artificielle s’il est vraiment original dans son déroulé.
Les règles de gestion traditionnelle et les scénarios de fraudes prennent ici leur revanche. Seul des règles définies et statiques auront une chance de détecter ces fraudes particulières.
Un triptyque associant règles de gestion traditionnelles + machine Learning (IA) + dimension humaine constituent donc la formule idéale.
Des scénarios basés sur les règles de gestion avec une personnalisation des seuils voire des scénarios customs.
Le Machine Learning (IA) pour détecter des transactions et comportements atypiques mal gérés avec les règles de gestion. L’enjeu étant bien évidemment d’identifier des abus de marché non détectés tout en limitant le nombre de faux positifs.
Ainsi le machine learning va permettre de scorer et prioriser les alertes pour en faciliter le traitement.
Le mix règles de gestion et ML permet d’avoir un résultat intéressant
- Evaluation fine des risques d’abus de marché
- Stricte limitation des faux positifs
« L’IA permet de faire le grand écart entre ne pas laisser passer d’abus de marché et générer le moins possible de faux positifs», comme le précise Alexis Monier, CEO d’AfterData Compliance.
Et enfin l’humain. Il faut offrir une vision tableau de bord pour l’analyste avec la capacité à comprendre et à traiter les infos : une alerte et une priorisation de l’alerte – niveau de risque donc pas binaire – et donnant les raisons de l’alerte et ainsi orienter l’analyse sur les 2 à 5 points sur lesquels normalement il faut se concentrer.
-
Une IA bien accompagnée permettrait pour la conformité bancaire de gagner en précision, en performance et en expérience collaborateur.
-
En conclusion prudence et clairvoyance, mais la maîtrise du ML est devenue une priorité stratégique.