Est-ce le début de la fin ? …Tribune politique de Synda Tajine

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Tunisie-Tribune (Tribune politique de Synda Tajine) – Le discours inintelligible de Kaïs Saïed est porteur de plusieurs messages. Au-delà de la forme qui prouve que le chef de l’Etat est, contrairement à ce qu’il veut faire croire, confus et dépassé, le fait est que Kaïs Saïed sait ce qu’il veut, mais ignore les moyens d’y parvenir.

Essayons de lire dans son discours. Que nous dit-il ? « Je lancerai des missiles législatifs qui les feront exploser »D’accord. Mais encore ? « Des corrompus, des voleurs… que je refuse de nommer ».

Pourquoi refuse-t-il de mettre des noms sur ses accusations ? Car il refuse tout simplement de personnifier le mal. Pour lui, il s’agit d’une problématique de système et non de personnes. C’est le système politique qui doit être changé, abstraction faite des personnes qui le composent. Ne le dit-il d’ailleurs pas lorsqu’on le questionne sur le choix du futur chef du gouvernement ?

« Former un gouvernement est important, mais ce n’est pas une finalité en soi, le plus important étant d’avoir une vision de la politique du gouvernement. J’aurai pu désigner un gouvernement le lendemain du 25-juillet, mais on serait restés dans la même configuration que celle vécue durant les dix dernières années ».

Kais Saied : « nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle »

Entre les lignes – ou peut-être pas tant que ça – ce qu’il essaye de nous dire c’est qu’il vomit le système politique dans sa forme actuelle et qu’il veut le changer. Radicalement. Le président de la République n’a-t-il pas déclaré que nous étions « à l’aube d’une ère nouvelle et que nous étions entrés dans une nouvelle étape de notre histoire » lorsqu’il a rencontré Ridha Lénine il y a quelques semaines ?

Kaïs Saïed ne se contentera donc pas de reconstruire ce qui a déjà été détruit et a prouvé ses limites. Il veut détruire et construire quelque chose de nouveau, sur une base nouvelle. Un fantasme qu’il nourrit depuis des années et sur lequel il n’a pas cessé de s’exprimer. Encore faut-il que nous écoutions ce qu’il veut nous dire. Ou qu’il parvienne, lui, à se faire comprendre.

Pourquoi ne parlons-nous que de la Constitution, alors que le code électoral est comme le dit si bien l’excellent Zied Krichene « la pierre angulaire du projet de Kaïs Saïed » ?

  • « le peuple veut »

Son slogan « le peuple veut »se base sur une idée très simple. Faire entendre directement la voix du peuple et ses revendications sans qu’elles soient dispersées et perverties par un système politique corrompu et incompétent. Le projet de Kaïs Saïed est le même qu’il prône depuis des années, bien avant son élection :

  • Instaurer une démocratie directe, qui donnerait le pouvoir au peuple, et qui réduirait le champ d’action du Parlement, tel que voulu par la constitution de 2014.

L’équilibre des pouvoirs devra irrémédiablement être inversé pour émaner, désormais, du niveau local, ensuite régional pour, à la fin, constituer une assemblée nationale aux couleurs du peuple tel qu’il se le représente.

Le fait que cet outsider de la scène politique, que personne n’avait vraiment attendu en 2019, soit parvenu là où un système politique expérimenté et aux larges moyens n’a pas réussi, permet de croire que :

  • le temps du changement est arrivé et que tout est désormais possible.
  • Y compris de tout détruire,
  • de mettre fin au règne actuel
  • et de reconstruire sur de nouvelles bases.

Ce qui peut l’aider dans son projet ? Le fait que ces dix dernières années, les Tunisiens ont été et sont encore désabusés et désillusionnés à cause de la gouvernance de partis politiques arrivistes et opportunistes.

Mais aussi grâce aux dégâts, sans doute, irréversibles, commis par un pouvoir islamiste revanchard et ayant une stratégie qui sert ses intérêts et non ceux de la patrie.

  • Le président « sauveur » et les risques encourus…

Ce qui est dangereux dans ce plan, c’est que Kaïs Saïed ne sait toujours pas s’entourer ni composer avec d’autres entités politiques afin d’équilibrer son pouvoir. Le risque que le président « sauveur » de l’avis d’une majorité, devienne un président « mégalomane » dévoré par son ambition et dépassé par l’ampleur d’une situation face à laquelle il ne serait peut-être pas de taille.

Le président, dont les politiques n’avaient pas arrêté de minimiser le pouvoir depuis la révolution, montre aujourd’hui qu’il veut se retourner contre ses bourreaux et limiter leur terrain de jeu maintenant qu’il a tous les pouvoirs.

  • Maintenant qu’il a toutes les cartes en main, Kaïs Saïed prouve qu’il a un projet certes …mais qu’il ne sait pas comment faire pour le concrétiser

Pour l’instant, rien de rassurant dans son discours. Kaïs Saïed prouve encore qu’il a un projet certes mais ne sait pas comment faire pour le concrétiser et qu’il ne fait, à l’heure actuelle, que gagner du temps… Les jours à venir risquent d’être longs…