- Les liaisons intérieures au départ d’Orly ont baissé de 40 %, et même de 60% pour les allers-retours journée
- L’aéroport d’Orly jouait jusqu’ici un rôle central dans le trafic point-à-point de la compagnie
- Air France opérera l’ensemble de ses vols domestiques et internationaux au départ de son hub de Paris-Charles de Gaulle, à partir de l’été 2026
- Maintient à 100%, du niveau actuel pour les liaisons intérieures au départ d’Orly
Tunisie-Tribune (Air France quitte l’aéroport d’Orly) – La nouvelle fait l’effet d’une bombe : Air France va quitter son aéroport historique d’Orly pour concentrer son activité sur Roissy « Paris-Charles de Gaulle » . Cette décision s’inscrit dans un mouvement long, engagé depuis plusieurs années avec un désengagement au profit de sa filiale low-cost Transavia.
Air France quitte l’aéroport d’Orly… (décision actée)
La décision semble désormais actée : Air France va quitter Orly en 2026. Après avoir opéré pendant une soixantaine d’années depuis la plateforme au sud de Paris, la compagnie française a décidé de concentrer ses opérations à Roissy. L’aéroport jouait pourtant jusqu’ici un rôle central dans le trafic point-à-point de la compagnie, vers les villes françaises de l’Hexagone comme de l’Outre-Mer, tandis que son alter ego du nord-parisien est sa plateforme de correspondance entre ses réseaux moyen et long-courrier.
Dévoilée début octobre par l’Informé, cette décision a été confirmé ce mercredi matin par Air France. Le groupe va entamer dans la foulée un processus d’information consultation des instances représentatives du personnel. Le projet doit être présentée officiellement au comité social et économique central (CSEC) ainsi qu’aux CSE d’établissement, convoqués de façon extraordinaire dès aujourd’hui.
La nouvelle avait déjà commencé à être transmise à des responsables politiques à en croire la déclaration d’Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, sur X (ex-Twitter) hier, mardi : « Anne-Marie Couderc, présidente d’Air France (Air France-KLM, NDLR) vient de m’annoncer l’arrêt de la ligne Paris Orly-Nice qui ne serait plus assurée par la compagnie en 2026. Il en serait de même pour Paris Marseille, et Toulouse. Cette décision sans aucune concertation est honteuse et scandaleuse. Je m’y opposerai de toutes mes forces. Je viens de saisir la Première ministre de cette annonce qui méprise les territoires. »
Concentration à Roissy
Si le processus va jusqu’au bout, Air France opérera « l’ensemble de ses vols domestiques et internationaux au départ de son hub de Paris-Charles de Gaulle » à partir de l’été 2026, selon un communiqué. Cela signifie l’arrêt à cette date de la Navette, produit emblématique d’Air France à Orly, vers Nice, Toulouse et Marseille, ainsi que l’arrêt des liaisons vers l’Outre-Mer. En contrepartie l’offre sera renforcée au départ de Roissy et Transavia sera positionnée sur Toulouse, Marseille et Nice au départ d’Orly.
La desserte de la Corse sous délégation de service public (DSP), en partenariat avec Air Corsica, pourrait constituer la seule exception à condition que l’appel d’offre en cours pour son renouvellement soit gagné face à Volotea.
Air France annonce ainsi que « les capacités du groupe entre Paris et Toulouse, Marseille et Nice seraient maintenues à hauteur de 90% de leur niveau actuel, et à 100% pour les liaisons entre Paris et les Outre-Mer. »
Pourtant, le groupe assure que l’impact social « sera limité et géré uniquement sur la base de mobilités ou de départs volontaires » dans les trois escales régionales et que les bases des personnels navigants seraient maintenues. Pour les salariés à Orly, Air France indique que des solutions de mobilité sur l’aéroport seront proposées et que la hausse d’activité à Roissy permettra de proposer des emplois équivalents (si ce n’est que les deux plateformes sont de part et d’autre de Paris). Le groupe estime ainsi pouvoir éviter tout départ contraint. Mais il faudra sans doute beaucoup plus les inquiétudes déjà exprimées par les divers représentants syndicaux.
Un recul progressif de l’activité
Il y a encore peu, avant la crise sanitaire, Air France exploitait sa Navette depuis Orly avec plusieurs dizaines de vols quotidiens vers cinq villes (Marseille, Toulouse, Nice, Bordeaux, et Montpellier) et l’intégralité de ses liaisons vers l’outre-Mer. En ajoutant les vols de sa filiale Hop, le groupe Air France assurait à lui seul près du tiers de l’activité de la plateforme sans même compter Transavia (17,5 %).
Depuis, Hop a quitté Orly, la Navette s’est arrêtée sur Montpellier (transfert vers Transavia) et Bordeaux. La première destination a été transférée à Transavia, avec l’arrivée de la compagnie low cost du groupe sur le marché domestique français, tandis que la seconde n’a jamais repris après sa suspension pendant la crise sanitaire, avant d’être interdite du fait d’une alternative ferroviaire de moins de 2h30 avec Orly-Nantes et Orly-Lyon)
L’offre a aussi été revue à la baisse sur les autres destinations de la Navette, et des liaisons vers l’Outre-Mer sont opérées depuis Roissy depuis 2020. D’ailleurs, à compter de fin octobre, Cayenne en Guyane ne sera plus desservie que depuis Roissy. Sans compter qu’Air France a dû laisser 18 créneaux à Orly – récupérés par Vueling – en contrepartie des aides d’Etat reçues pour faire face à la pandémie.
En 2022, Air France ne représentait plus que 22 % du trafic. A l’inverse, Transavia n’a cessé de monter en puissance, conformément au plan stratégique d’Air France-KLM, jusqu’à dépasser 28 % du trafic l’an dernier. Même si Orly n’a pas encore récupéré l’intégralité de son trafic d’avant la crise, la tendance est évidente.
La crise comme accélérateur
Pour justifier ce « projet d’adaptation », Air France indique une perte de vitesse importante de son trafic point-à-point depuis et vers Orly depuis la crise sanitaire, voire même « une chute structurelle ». La compagnie indique que « entre 2019 et 2023, le trafic sur les liaisons domestiques au départ d’Orly a baissé de 40 %, et même de 60% pour les allers-retours journée. » Elle pointe notamment le développement de la visioconférence, les politiques de voyage des entreprises et le report vers le train.
La couleur était d’ailleurs déjà annoncée dès 2019. Ainsi le document d’enregistrement universel indiquait déjà qu’Air France « procédera à la refonte de sa stratégie à Orly en collaboration avec Transavia pour renforcer la position du Groupe au sein de cet aéroport », face « à la concurrence croissante des compagnies low-cost, de la grande vitesse ferroviaire et de l’offre Ouigo », avant d’indiquer l’année suivante que « face à l’ampleur de cette crise (le Covid, NDLR), Air France a décidé d’accélérer et d’amplifier son plan de restructuration initié les années passées sur le court-courrier ».
En trois ans, Air France a fermé ou transféré une cinquantaine de routes domestiques dont une partie depuis Orly. Dans le même temps, Transavia a dépassé les 100 destinations depuis la plateforme parisienne.
Début 2021, Air France a également suspendu son offre Business sur son réseau domestique depuis ou vers Paris-Orly « dans le cadre de l’adaptation de la desserte des régions françaises pour redresser la compétitivité de l’activité domestique et accélérer les efforts en matière de développement durable et avec le transfert de lignes domestiques d’Air France vers Transavia ». Cela reflète la faiblesse du trafic affaires, qui peine à redémarrer depuis la crise. Or, l’essence même de la Navette est bien de servir ce trafic affaires avec de nombreuses fréquences et une large amplitude horaire.
Transavia va continuer à se développer
Avec ce transfert, Transavia devrait continuer à monter en puissance, avec une activité très largement axée sur le trafic loisir. En 2026, la compagnie low cost est ainsi appelée à devenir « l’opérateur de référence du Groupe Air France au départ de l’aéroport de Paris-Orly ».
Dotée d’une flotte de 71 avions monocouloirs (des Boeing 737-800, dont le remplacement par des Airbus A320 NEO va débuter d’ici mi-décembre), la compagnie prévoit d’atteindre une flotte de 80 avions d’ici à l’été 2025 et encore davantage les années suivantes. Pour assurer ce développement, Transavia va avoir besoin de créneaux horaires, denrées précieuses à Orly où les mouvements sont limités. En se retirant, Air France peut donc permettre à sa filiale low cost de continuer à croître à grande vitesse sur l’aéroport parisien. (Léo Barnier)