Tunisie-Tribune (PayPal) – La révision de la législation en vigueur en matière économique, notamment financière et monétaire, ne cesse d’être évoquée depuis plusieurs mois. C’est dans ce sens qu’un conseil ministériel a récemment approuvé un projet d’amendement du Code des changes. Quelles en sont les principales nouveautés ?
S’exprimant le 18 mars 2024 durant « Expresso » de Wassim Ben Larbi sur Express Fm à ce sujet, la ministre des Finances, Sihem Nemsia a indiqué que le projet de Code des changes avait pour but de répondre aux attentes des investisseurs, des jeunes et de toute entité concernée par ce secteur. Elle a précisé qu’il s’agissait d’un texte proposé afin de réviser la loi en vigueur datant de 1976, soit depuis 48 années. Elle a qualifié la chose de révolution législative. Elle a assuré que le texte a été élaboré après consultation de plusieurs entités dont l’Utica, des start-ups et des experts et avait pour but de résoudre plusieurs problématiques d’actualité.
« La notion de résidence et de résident en matière de changes représente la règle fondamentale en ce secteur. Elle a été révisée. La résidence est octroyée pour les personnes physiques et pour les personnes morales, à savoir les sociétés… Dans le système actuel, la personne physique est considérée résidente qu’après-avoir passé deux années à l’étranger… Cette période a été abaissée pour être fixée à 130 jours… Il doit avoir passé cette période de façon continue ou discontinue… Il doit avoir exercé une activité à l’étranger durant cette période (contrat de prestation de services ou de travail) », a-t-elle déclaré.
Pour ce qui est des sociétés non-résidentes, il doit s’agir d’une entreprise ou d’une société dont le siège social se trouve à l’étranger ou basé en Tunisie, mais considérée comme non-résidente en raison de son activité. Concernant cette dernière catégorie, la ministre des Finances a évoqué les exemples des entreprises offshores, totalement exportatrices ou de commerce international. Il s’agit de structures économiques considérées comme non-résidentes par la loi.
Sihem msia a affirmé que le projet de Code des changes mettait en place le principe de liberté. Il a mis en place un système d’autorisation pour certaines exceptions. Tout en préservant le dinar tunisien, le texte, d’après elle, prend en considération l’évolution technologique et facilitera les transactions numériques.
« Pour ce qui est des investissements étrangers, le projet de loi a mis en place le principe de liberté totale. Il a supprimé l’autorisation de la Banque Centrale de Tunisie… C’est très important… Les investisseurs étrangers bénéficient d’une liberté totale et ont, aussi, la possibilité de librement transférer l’intégralité des gains réalisés par leurs investissements ou des revenus résultant de la liquidation de leurs investissements… Ils peuvent transférer cet argent dans son intégralité et en toute liberté… Les investisseurs étrangers bénéficieront, aussi, d’une autre mesure… Ils sont libres d’acquérir des bons émis par l’État ou d’autres sociétés… Il y avait un plafonnement à hauteur de 20% des bons émis. Le projet donne aux investisseurs étrangers la possibilité d’en acquérir la totalité », a-t-elle ajouté.
Quant aux investissements réalisés par les Tunisiens et les personnes résidentes, Sihem Nemsia a expliqué que les sociétés résidentes en Tunisie bénéficieront, également, du principe de liberté en matière des transactions vers l’étranger. Le projet met en place certains critères afin de bénéficier de cela. Ces sociétés auront la possibilité de contracter librement et sans limite des prêts à l’étranger. Pour ce qui est des sociétés investissant en Tunisie, elles auront la possibilité de convertir leurs gains en devise et de les déposer dans des comptes en devises auprès des banques tunisiennes, soit la même mesure que celle octroyée aux sociétés étrangères investissant en Tunisie.
« Nous avons, aussi, autorisé les sociétés, dont l’activité économique le justifie, à bénéficier d’un compte en devise… Le projet mettra en place le statut d’opérateur de change agréé. Il s’agit d’une qualité que les personnes morales dont la situation est en règle en matière fiscale, sociale et douanière pourront obtenir… Elles seront libres de transférer de la devise vers l’étranger dans le cadre de leurs investissements… Le projet propose une série de mesures d’incitation pour les personnes morales et physiques », a-t-elle poursuivi.
Sihem Nemsia a expliqué que le projet de Code des changes comportait des mesures visant les start-ups et les freelancers. Elle a assuré que ces derniers ont été consultés lors de l’élaboration de ce code afin de résoudre les problèmes auxquels ils faisaient face. La ministre a indiqué que la difficulté majeure souvent évoquée était l’impossibilité d’avoir accès à un compte en devise afin de collecter leurs gains réalisés à l’étranger. Le projet de code propose la possibilité d’en bénéficier ou d’ouvrir un compte en dinar convertible. Les start-ups et les freelancers pourront utiliser leurs gains dans le but de couvrir leurs dépenses à l’étranger.
« Nous avons autorisé les personnes physiques et les sociétés à ouvrir des comptes de paiement… Ils pourront recourir aux plateformes de paiement électronique telles que PayPal… Ils ont des problèmes au niveau de la collecte de revenus, de leur conversion et de leur utilisation à l’étranger… Nous avons pris en considération ces difficultés… Je tiens à indiquer que nous proposons l’octroi de la possibilité d’ouvrir des comptes à l’étranger afin de couvrir les frais de formation, d’enseignement ou d’intégration d’un emploi à l’étranger… Les sociétés et personnes physiques concluant des accords de prestation de services avec des sociétés étrangères auront la possibilité d’ouvrir un compte bancaire étranger dans le pays où ils exerceront leurs activités », a-t-elle dit.
Sihem Nemsia a évoqué la question des crypto-actifs. Elle a affirmé que le projet de Code des changes a abordé la chose. Le texte autorise les transactions à ce niveau pour les acteurs concernés. Les crypto-actifs seront soumis à un système de déclaration auprès de la Banque Centrale de Tunisie à partir d’un montant fixé ultérieurement par décret. Les gains réalisés par la conversion de ces crypto-actifs en devise devront être restitués. Elle a assuré que les transactions en crypto-actifs seront autorisées à la suite de l’adoption du projet du Code des changes.
La ministre des Finances a, également, indiqué que le système de changes manuel a été révisé afin de permettre aux personnes morales d’ouvrir des bureaux de change. Ils seront créés dans le cadre d’une société anonyme. Quant aux bureaux de change créés par des personnes physiques, ils pourront être transformés en personnes morales durant les trois années à venir. Sihem Nemsia a, également, expliqué que le projet de Code des changes proposait une révision des peines et des sanctions. Il comporte une réduction des peines de prison. La peine est passée de cinq à trois années de prison pour les infractions liées au non-rapatriement des revenus réalisés à l’étranger, la non-déclaration de revenus à l’étranger, la non-déclaration de sommes en devises ou encore le commerce illégal de devises. Elle a rappelé que la conclusion d’un accord de conciliation avec les autorités concernées supprimait la peine de prison.
Ainsi et pour conclure, le projet de Code des changes met en place une liberté totale pour les investissements étrangers puisqu’ils ne dépendront plus de l’autorisation de la Banque Centrale de Tunisie. Il permet aux personnes physiques et morales dont l’activité économique le justifie d’ouvrir un compte en devise. Le texte autorisera, finalement, l’utilisation de PayPal, mais seulement pour certaines catégories de personnes.