Tunisie-Tribune (désastre écologique silencieux) – La pollution atmosphérique issue des véhicules est un sujet de préoccupation majeure pour la santé publique et l’environnement. Depuis le début du XXᵉ siècle, l’attention s’est plutôt concentrée sur les émissions toxiques des moteurs à combustion. À partir des années 1970, des réglementations environnementales plus strictes ont vu le jour dans de nombreux pays (Europe et États-Unis notamment). Les années 1980 ont marqué le début de l’émergence de technologies de contrôle des émissions des véhicules automobiles plus avancées. Le point d’orgue de cette prise de conscience généralisée étant sûrement le diesel gate en 2009.
À partir des années 2020, une autre prise de conscience a lieu : celle de la pollution produite par les freins des voitures. Comme l’avait titré l’ADEME dans cet article : « Plus de la moitié des particules fines émises par les véhicules routiers récents ne proviennent plus de l’échappement ». Les particules émises lors du freinage seraient donc un nouvel ennemi de l’environnement. Une nouvelle étude parue le 11 mars dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences vient rajouter de l’eau au moulin.
La charge électrique des particules : une découverte surprenante
L’étude a été menée par Adam Thomas, doctorant sous la direction de Jim Smith, professeur de chimie, et Paulus Bauer, chercheur postdoctoral à l’Université de Californie à Irvine. Cette recherche a mis en évidence un aspect encore inconnu de ces particules issues du freinage : 80 % de celles-ci sont électriquement chargées.
Lorsque les plaquettes de frein font pression contre le disque pour ralentir le véhicule, ce processus de friction émet des particules et de la chaleur. Ce qu’on ignorait en revanche, c’est que ce processus de friction peut ioniser les particules, c’est-à-dire leur donner une charge électrique.
Une propriété intéressante, qui pourrait être exploitée dans le but de réduire la pollution provoquée par ces particules. Il serait éventuellement possible d’utiliser des dispositifs comme des électrofiltres, qui génèrent un champ électrique pour capter les particules chargées. Cela empêcherait que celles-ci ne se dispersent et nuisent à la santé humaine ou à l’environnement.
Conséquences sanitaires et environnementales
Actuellement, les recherches sur la toxicité de ces particules n’en sont qu’à un stade préliminaire. Manabu Shiraiwa, professeur de chimie des aérosols à l’Université de Californie à Irvine, explique : « La toxicité et l’impact sanitaire des particules de freinage sont largement inconnus […] Les récentes recherches issues de mon laboratoire indiquent qu’elles pourraient induire un stress oxydatif, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires ».
Le stress oxydatif, selon Futura Sciences « correspond à une agression des cellules par des radicaux libres » et peut entraîner des dommages cellulaires et contribuer à diverses maladies.
Autre aspect préoccupant : le rôle des voitures électriques dans cette pollution. Si elles ne produisent pas d’émissions lorsqu’elles fonctionnent, elles contribuent tout de même à émettre des particules lors du freinage. Bien qu’elles soient dotées d’un système de freinage régénératif qui soulage les disques et les plaquettes de frein, « elles émettent plus de particules provenant du contact pneu-chaussée et de la remise en suspension, du fait de la plus grande taille de leur pneumatique due à leur masse plus importante » explique l’ADEME.
Quelles solutions pour réduire les émissions invisibles ?
Si l’on prouve un jour que ces particules sont réellement toxiques, nous savons déjà que les risques pour la santé publique posés par les émissions de freinage n’est pas uniformément réparti au sein de la population. Les communautés à plus faibles revenus, en tout cas aux États-Unis, sont souvent bien plus exposés à un trafic dense. Déjà vulnérabilisées par les émissions des échappements, la peine serait double pour elles.
Pour Barbara Finlayson-Pitts, professeure émérite de chimie à l’Université de Californie à Irvine, caractériser ces émissions est capital. Elle détaille : « Ces zones se trouvent généralement dans des quartiers défavorisés et mettent en évidence un aspect crucial de la justice environnementale qui a souvent été ignoré ». Les plus modestes trinqueront davantage que les autres, rien de nouveau sous le soleil, malheureusement.
L’équipe en charge de ces recherches est sortie hors des murs des laboratoires pour s’engager directement auprès des populations habitant dans ces zones sensibles. Un partenariat a été établi avec l’Association de quartier Madison Park à Santa Ana (Californie) afin de sensibiliser et d’éduquer le public sur les dangers des particules de frein. Une démarche résolument sociale, qui aidera peut-être un jour les populations à militer pour demander des changements dans les politiques publiques s’il y a besoin.
Pour l’instant, il n’existe donc aucune solution miracle, et les recherches doivent s’accélérer pour mieux comprendre l’enjeu sanitaire que représentent ces particules. Cette facette de la pollution automobile ne doit plus être ignorée, et disposer de données plus précises est nécessaire pour passer à l’action.
- Une nouvelle étude américaine a mis en lumière que 80 % des particules émises par le freinage des voitures sont chargées électriquement.
- Une propriété qui pourrait jouer en notre faveur en permettant éventuellement de capter ces particules grâce à des dispositifs spécifiques avant leur émission.
- Pour le moment, nous manquons de données pour comprendre réellement l’impact écologique et sanitaire de ces particules.