Bonjour,
Excellences, messieurs les ministres, chers invités et amis,
Mesdames et Messieurs,
Ravi de vous accueillir ce matin. Un grand merci d’avoir répondu à notre invitation et d’être une fois de plus au rendez-vous d’un événement que nous avons conçu et fait grandir ensemble. Le Forum de l’Economiste maghrébin en est à sa 25e édition, animé des mêmes intentions, en quête de solutions aux questions majeures qui sont autant de défis d’aujourd’hui et plus encore de demain qui, il faut bien le dire, a commencé hier.
Nous avons choisi pour thème cette année : « La souveraineté alimentaire dans le nouveau basculement géopolitique ».
Question essentielle, vitale s’il en est ; au cœur d’une vaste interrogation nationale. La Tunisie subit, comme le reste de la planète, les effets dévastateurs du réchauffement climatique. Elle fait même partie des pays les plus exposés au stress hydrique qui n’est pas sans conséquence sur l’évolution de la production agricole et de notre sécurité alimentaire. Elles ont été mises à mal notamment ces dernières années par la persistance d’une sécheresse qui fait craindre le pire.
La sécheresse, phénomène cyclique certes mais de plus en plus allongé et prononcé, n’a fait qu’accentuer une tendance à la baisse de la production céréalière et d’aliments pour bétail. En 2023, elle avait atteint son plus bas historique. La question de notre sécurité alimentaire a rarement atteint un tel degré de préoccupation et de gravité. La situation est d’autant plus critique en raison de la poursuite de la guerre russo-ukrainienne qui a fait exploser les cours des céréales et des hydrocarbures, faisant monter de plusieurs crans l’insécurité alimentaire.
Du coup, la nécessité d’une réelle souveraineté alimentaire s’est imposée dans le débat public alors qu’elle était jusque-là confinée dans les hautes sphères de l’Administration. Avec en arrière plan l’impérieuse nécessité de gérer les dommages collatéraux, du stress hydrique qu’il s’agisse d’inflation, de subventions, de cadrage macro-budgétaire de par sa contribution au déficit budgétaire.
L’eau se fait de plus en plus rare à cause du changement climatique et l’énergie pour en produire à partir de carburant et gaz importés, est hors de prix tout en impactant lourdement la balance des paiements. L’électricité, à partir d’énergie renouvelable, se fait attendre en dépit d’un immense potentiel. À l’évidence, la transition écologique et énergétique est au cœur de la problématique de la souveraineté alimentaire voire de la sécurité nationale.
L’ennui pour nous est que le problème est toujours posé en ces termes. On manque d’eau et on cherche par des moyens divers d’en mobiliser davantage, ce qui d’ailleurs serait possible, moyennant une gestion plus rigoureuse de l’eau, plus cohérente, plus rationnelle, plus économe et moins chaotique en mettant en place des politiques d’incitations pour un mode d’utilisation plus économe en ressources hydriques.
On saura à l’issue de ce débat comment, par quels moyens et dans quelle mesure cela interférera quant à la définition d’une nouvelle cartographie agricole plus adaptée à notre nouvel environnement et à la disponibilité de l’eau. On pressent déjà que le paysage agricole de demain, que les territoires tout comme notre régime et système d’alimentation ne seront plus à l’image de ce qu’ils sont aujourd’hui.
Le phénomène n’est pas propre à la Tunisie, mais nous ne pourrons nous exonérer d’un tel effort d’adaptation dont dépendra notre sécurité nationale quelle qu’en soit la configuration géopolitique. La question interpelle au plus haut point les dirigeants sachant que le stress hydrique à l’origine de tous les maux est à la fois une question de croissance économique, d’investissement, de politique monétaire, de finance publique, de sécurité nationale et de paix sociale.
Il y a donc nécessité de mettre en œuvre, dans l’urgence, des politiques publiques pour un développement agricole durable qui doit garantir notre souveraineté alimentaire. Nous avons ce matin le privilège d’accueillir d’éminents conférenciers et panélistes que je salue, qui nous éclaireront davantage sur ce sujet et sur bien d’autres.
Une chose est sûre : l’agriculture de demain et le système alimentaire de manière générale ne pourront pas se concevoir sans un investissement massif dans la R/D, aujourd’hui parent pauvre de notre politique agricole. On ne peut pas à cet égard imaginer une souveraineté alimentaire qui ne soit pas associée à un effort conséquent de R/D – d’autant plus efficient qu’il est mené à l’échelle maghrébine – pour donner plus de chair et de consistance aux filières et chaînes de valeur confrontées au réchauffement climatique et au basculement géopolitique.
Mesdames et messieurs
La souveraineté alimentaire ne se décrète pas, elle se construit à travers ces filières qu’il faut consolider en redimensionnant leur périmètre avec davantage de ressources et de mécanismes de financement adéquats. Seul moyen pour attirer une nouvelle génération de start-up et de sociétés à forte capacité d’innovation technologique de nature à atténuer les effets du stress hydrique. Autant de questions qui trouveront, j’en suis sûr, réponse à l’occasion de notre Forum.
Le Forum de l’EM, parlons-en. Il fête cette année son 25e anniversaire. Je voudrais à cette occasion rendre hommage à toutes et à tous ceux qui ont contribué à son rayonnement et aux premiers d’entre eux nos équipes si peu nombreuses mais si dévouées et si efficaces, ainsi que les présidents qui l’ont mis sur les rails et lui ont insufflé leur passion, leur détermination et leur soif de vérité.
J’ai, ce matin, une pensée pour feu Chedly Ayari qui nous a quittés il y a peu et qui fut le premier à présider pendant plusieurs années le Forum. Le verbe haut, la stature impressionnante et l’humilité des grands de ce monde. Économiste et professeur émérite, il a fait école, dont il fut le maître.
J’ai également une pensée pour Faouzi Belkahia qui lui a succédé. Grand commis de l’État, ce centralien devenu l’un des plus grands banquiers de la place nous a quittés très tôt non sans laisser un énorme héritage. Il faisait partie du premier cercle de réflexion du Forum qu’il a propulsé au sommet. Avant de céder la place à l’inégalable Chekib Nouira. Grand banquier devant l’éternel et ancien Président de l’IACE qu’il a fait évoluer dans la cour des grands.
Ce matin, il n’a pu se joindre à nous en raison d’une légère intervention chirurgicale sur la cheville qui ne lui permet pas de se déplacer. Merci Chekib prompt rétablissement.
Je voudrais par la même occasion rendre un vibrant hommage à Si Habib Karaouli que je ne présente plus, qui nous fait cette année encore l’honneur de présider la 25ème édition du Forum de l’Economiste maghrébin. Il est, comme à son habitude, sur le pont, à la barre pour mener à bon port le Forum qui ne serait pas ce qu’il est sans son implication personnelle.
J’en dirai autant de notre partenaire de la première heure, la FFN, qui nous accompagne et nous apporte son concours sans rien nous imposer en retour sinon la satisfaction de voir prospérer notre économie en se libérant de ses contradictions et de ses contraintes.
Je voudrais aussi remercier du fond du cœur mon cher ami Serge Degallaix, sans doute le plus Tunisien des Français, toujours fidèle au poste, qui nous apporte chaque année sa maîtrise de la complexité et des subtilités géopolitiques et le concours de la Fondation Prospective et Innovation qu’il dirige sous la houlette de M. J.-P. Raffarin. Merci Serge, merci pour tout.
Le mot de la fin, je le réserve à nos fidèles entreprises partenaires que je ne remercierai jamais assez. C’est avec elles et grâce à leur soutien que le Forum de l’Economiste maghrébin a gagné ses galons de rendez-vous annuel incontournable. Merci à eux.
Et merci de votre attention.