Discours de SE l’ambassadrice Anne Guéguen à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet 2024 (vidéo)

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Tunisie-Tribune (l’ambassadrice Anne Guéguen) – ci-après le discours de SE l’ambassadrice Anne Guéguen à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet 2024 :

Monsieur le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger,
Monsieur le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique
Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames et messieurs les ambassadrices, ambassadeurs et représentants d’organisations internationales,
chers collègues,
Chers élus de la communauté française,
Chers amis tunisiens ou d’ailleurs,
Mes chers compatriotes,

C’est une grande joie de vous accueillir pour la fête nationale dans les jardins de Dar Kamila, témoins depuis 1856 des relations qui unissent la Tunisie et la France et qui remontent à plus loin encore – faut-il rappeler que nos deux pays sont tous deux d’anciennes provinces de l’empire romain, l’Ifriqiya et la Gaule, et que la France fut représentée par un consul à Tunis dès l’année 1577 ?

Ce moment est important pour moi, puisque j’ai l’honneur de célébrer avec vous mon premier 14 juillet en tant qu’Ambassadrice. Comme vous le savez peut-être, je suis très attachée à ce beau pays où j’ai eu le bonheur de servir il y a dix ans et où j’ai pu, il y a plus de trente ans, préparer le concours d’entrée au Quai d’Orsay. Je suis heureuse de retrouver ce qui, au cours des âges, en a fait la force aux yeux du monde : l’hospitalité, l’ouverture aux autres, l’attachement au droit et à la défense des causes justes, le sens de l’Etat comme celui du négoce, la force du peuple, le courage des femmes, la vitalité de la société civile et de l’entreprise privée, mais également la richesse de sa culture, la lumière de ses paysages, la douceur de son art de vivre et les saveurs de sa gastronomie, ainsi que, bien sûr, ses grandes figures inspirantes.

Dans cette occasion solennelle et festive, et alors que nous traversons des temps inquiets, je souhaite vous dire d’emblée, chers amis, que mon souhait le plus sincère est que ce soir soit un vrai moment de convivialité et de fraternité. La prochaine ouverture des Jeux olympiques et paralympiques à Paris nous y invite.

Chers amis, merci d’être venus partager cette célébration de la liberté, de l’égalité et de la fraternité dont le 14 juillet est le symbole et auxquelles mon pays est si attaché. Sans frontières, ces principes humanistes ne sont l’apanage ni de la France ni d’aucun peuple, ils valent pour tous ; ils ne sont pas un article de foi, mais ils sont au fondement de notre République, de notre État de droit et de notre démocratie qui, pour être et vivre, nous demandent de les respecter. Le 14 juillet évoque l’histoire de la révolution de 1789, qui peut se raconter en quelques dates emblématiques : les 5 mai et 9 juillet 1789, avec la convocation des États généraux et celle de l’assemblée constituante, ont affirmé la souveraineté du peuple ; le 14 juillet 1789, la prise de la Bastille a marqué symboliquement la fin de l’emprisonnement arbitraire ; le 4 août, l’abolition des privilèges a signé la fin du féodalisme tandis que le 26 août 1789, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen est venue consacrer les droits et les libertés. Vous connaissez les soubresauts qui ont suivi, et ce n’est qu’un siècle plus tard que la République s’est stabilisée. La révolution française, et ce n’est pas une exception dans l’Histoire, s’est inscrite dans le temps long. Ses idéaux restent une exigence émancipatrice qui requiert de toujours nous remettre à l’ouvrage.

Plus encore, le 14 juillet est aussi le rappel de la fête de la fédération du 14 juillet 1790 et est historiquement le symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité. L’inquiétude et l’incertitude de notre époque engagent à beaucoup de modestie et d’humilité, les élections qui viennent de se dérouler en France l’attestent. Je forme le vœu que ce 14 juillet 2024 permette l’apaisement des esprits et des cœurs et qu’il ouvre un temps de reconstruction, pour dépasser les clivages et les inégalités sociales et territoriales. Nous pouvons ensemble en cultiver l’espérance, en s’appuyant sur les principes démocratiques, l’humanisme et le pluralisme qui cimentent notre unité nationale, loin du mépris de l’autre et de ses droits, du racisme, de l’antisémitisme ou des préjugés hostiles à la religion musulmane ou une autre.

Surtout, merci chers amis tunisiens de votre présence qui donne à cette soirée tout son sens et témoigne de la force des liens tissés dans le temps long. La France sait ce qu’elle doit aux tunisiennes et tunisiens, hier comme aujourd’hui. Je veux le rappeler, en cette année où nous commémorons le 80ème anniversaire de la Libération. Il y a eu aussi les blessures de l’histoire, notamment de l’histoire coloniale, qu’il faut reconnaître et guérir. Ce passé douloureux, nos aînés ont eu la sagesse d’en tourner la page pour construire un partenariat d’avenir.

1) Pour l’avenir de nos jeunesses tout d’abord qui aspirent, sur les deux rives, à des perspectives meilleures. Pour y répondre, la France et la Tunisie travaillent main dans la main, à travers leur coopération en matière d’éducation, d’enseignement supérieur et de formation professionnelle. La coopération universitaire et scientifique est le fleuron de notre partenariat bilatéral. En 2024, près de 2,5 millions d’euros lui ont été dédiés, dont 1 million d’euros de bourses délivrées à des étudiants tunisiens. Cette coopération se décline en actions concrètes avec les universités, les départements de français, les instituts supérieurs d’arts et métiers, les écoles d’ingénieurs, et d’autres encore. L’éducation est aussi au cœur d’une coopération fructueuse. Le réseau scolaire de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’étranger et celui des établissements labellisés Franceéducation font preuve d’une vitalité remarquable. Nous travaillons aussi ensemble pour ceux qui ont décroché du système scolaire, avec le financement d’écoles de la deuxième chance, dont une première vient d’ouvrir à Sousse.

2) L’urgence climatique et la transition écologique ensuite. Dans ce domaine clé qui va changer la donne, nos deux pays sont engagés de concert. Je salue l’engagement fort de la Tunisie sur la gestion de l’eau et le développement des énergies éolienne et solaire. La Tunisie peut devenir demain un centre de production d’hydrogène vert qui lui assurera sa souveraineté énergétique. Les grandes entreprises françaises sont au rendez-vous de ces projets – je pense au récent protocole d’accord signé avec Totalénergies en vue d’un méga projet d’hydrogène vert, qui serait un véritable game changer énergétique. Nous agissons aussi ensemble au plan international. Il y a un an le président Kais Saied a participé à Paris au sommet pour un nouveau pacte financier mondial, avec une conviction forte que nous avons en partage : aucun pays ne devrait avoir à choisir entre lutter contre la pauvreté et la préservation de la planète, et cela commence à porter ses fruits.

3) L’avenir de la paix et de la sécurité internationales enfin. Nous sommes à un tournant dans l’ordre international, qui se recompose dans la violence. La France et la Tunisie partagent le même attachement au multilatéralisme et à la sécurité collective. Nous devons réaffirmer la force du droit. Je pense à l’agression russe en Ukraine, face à laquelle la France n’a cessé de marquer sa détermination de se tenir aux côtés des Ukrainiens dans la durée. Je pense aussi à toutes les victimes palestiniennes de l’intervention militaire israélienne à Gaza, qui doit cesser immédiatement. C’est une extrême urgence. La Cour internationale de justice le demande. La protection des civils est un impératif absolu. La France reste également mobilisée pour la libération des otages. Seul un cessez-le-feu immédiat et durable permettra la protection des populations civiles, la libération des otages et l’entrée massive de l’aide humanitaire. La France s’est prononcée en faveur de l’admission de la Palestine comme État membre de plein droit des Nations Unies. Nous sommes convaincus qu’il faut dès aujourd’hui s’atteler à la mise en œuvre de la solution des deux Etats, la seule qui puisse apporter une paix juste et durable et la sécurité pour tous. Les affres de la guerre ne doivent pas nous éloigner de ce but.

Pour préparer l’avenir, nous pouvons construire sur l’architecture solide de notre partenariat bilatéral. A cet égard, l’année écoulée a été ponctuée par des rendez-vous importants, et d’autres s’annoncent.

Je pense aux rencontres entre nos premiers ministres et ministres des affaires étrangères fin février à Paris, qui ont permis de poursuivre le dialogue de haut niveau sur tous les sujets. Face aux menaces, notamment terroristes, nous savons l’importance cruciale de notre coopération de défense et de sécurité, cependant notre relation puise son dynamisme particulier dans l’économie et la culture. Face à l’urgence sociale et économique, la Tunisie fait preuve d’une grande résilience, même si nous gardons tous à l’esprit l’ampleur de la tâche et la nécessité de réformes, comme d‘investissements et de financements adaptés. A cet égard, la visite récente du Directeur général de l’AFD a été l’occasion de signer des conventions de partenariat pour un montant total de 138M€. Des centaines de milliers de tunisiens en bénéficient directement.

Nos liens économiques sont d’une densité exceptionnelle et montent en gamme. Cela se voit dans l’industrie, dans la transformation numérique et l’innovation mais également le tourisme. 1500 entreprises à participation françaises emploient plus de 160 000 salariés en Tunisie. L’ouverture de la ligne Transavia Paris- Tozeur-Paris est un autre signe positif. Le seuil d’un million de visiteurs français a d’ailleurs été franchi l’an dernier et nous espérons doubler ce chiffre d’ici la fin de la décennie.

Notre coopération culturelle me tient à cœur. 40 projets de coopération sont soutenus chaque année et 50 artistes ont été accueillis en résidence à la villa Salammbô depuis 2018. Nous consacrons 3 millions d’euros à la professionnalisation des créateurs et entrepreneurs culturels. Le patrimoine exceptionnel de la Tunisie est une ressource formidable pour l’avenir, à la protection et valorisation duquel la France contribue par un appui aux sites archéologiques.

Particulièrement aujourd’hui, nous avons besoin de faire connaître notre histoire méditerranéenne commune, au cœur de notre identité, et je me réjouis de l’exposition Salammbô qui ouvrira le 24 septembre au musée du Bardo.

Autre grand rendez-vous à venir, le sommet de la Francophonie que la France accueillera début octobre, en reprenant le flambeau que lui passe la Tunisie, pays fondateur de cette grande famille francophone. Je voudrais saluer les écrivains, journalistes, professeurs d’université, scientifiques, entrepreneurs ainsi que le réseau des Alliances françaises de Gabès, Kairouan, Djerba, Bizerte, Gafsa et Tunis qui nourrissent la francophonie et en font un formidable espace commun pour « innover, créer, entreprendre », thème choisi pour ce 19ème sommet.

Le dynamisme de nos relations se reflète aussi dans la mobilité de court séjour et les chiffres migratoires. Le nombre de visas délivrés a augmenté l’an dernier : plus de 94000 en tout, dont près de 5000 visas étudiants et près de 11000 visas économiques professionnels et passeports talents. C’est une tendance que nous encourageons dans le cadre d’une approche globale qui prend en compte les intérêts de nos deux pays, la nécessité de lutter contre l’immigration irrégulière et le respect, toujours, de la dignité de tous les migrants.

Mes chers compatriotes, vous êtes nombreux en Tunisie. Les dernières semaines ont été marquées par les élections européennes, puis législatives. Je remercie chaleureusement le consulat ainsi que tous ceux qui, par leur sens du service, ont permis le bon déroulement du scrutin. Je félicite notre député Karim ben Cheikh pour sa réélection.

Certains d’entre vous sont ici depuis longtemps, d’autres sont de passage. Certains d’entre vous partagent les deux nationalités, comme un pont à travers la méditerranée. Avec la diaspora tunisienne en France, par votre double culture, vous êtes le lien vivant entre nos deux pays, l’âme et le moteur de la relation bilatérale. Votre rôle, essentiel, est appelé à grandir. Je salue à cet égard la prochaine tenue à Tunis du Forum national des compétences tunisiennes à

l’étranger organisé par le ministère des affaires étrangères, des tunisiens de l’étranger et de la migration, qui sera précédé de la conférence de l’alliance mondiale des talents tunisiens de l’ATUGE.

Chers compatriotes, avec vos représentants élus, dont je salue le dynamisme, je tiens à vous redire que les services de l’Ambassade et du Consulat et moi sommes à votre disposition. Améliorer les services rendus au public fait partie des efforts constants des autorités françaises et j’ai le plaisir de vous annoncer le lancement en Tunisie du Service France Consulaire, centre de contact dédié à la réponse aux Français de l’étranger, à partir du 16 juillet et destiné à améliorer le traitement de tous les sujets consulaires hors visas.

Un grand merci enfin à tous ceux, notamment nos nombreux et généreux sponsors et l’équipe de la résidence, qui ont contribué à faire de cette soirée un moment d’amitié conviviale. Enfin, je souhaite exprimer ma gratitude envers tous les membres de l’équipe France en Tunisie, avec lesquels je suis honorée de travailler, et envers tous nos amis tunisiens qui par leur engagement, leur conviction et leur courage animent et renforcent au quotidien ce beau partenariat.

Pour conclure, je dirai que la France a le privilège d’être le plus proche partenaire de la Tunisie. Un partenariat concret, transparent, respectueux de chacun et qui doit s’efforcer de prendre pleinement en compte les attentes des citoyens des deux pays. Un partenariat complet dont la solidité illustrent une volonté commune : celle de continuer ensemble dans la fraternité malgré l’incertitude, pour reprendre une expression du philosophe français Edgar Morin.

C’est une position qui nous honore, mais qui aussi nous oblige, au nom de notre amitié et de notre vœu commun de porter notre jeunesse vers le meilleur, à l’instar de nos athlètes olympiques qui se rencontreront à Paris dans quelques jours.

Je vous souhaite à toutes et tous un très bon 14 juillet.

Vive l’amitié franco-tunisienne ! Vive la Tunisie et vive la France !

 

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