Tunisie Tribune (AstraZeneca)- Le commissaire européen au Marché Intérieur Thierry Breton n’a pas mâché ses mots, ce dimanche matin sur Europe 1, au moment d’évoquer les retards de livraison de vaccins annoncés la veille par le laboratoire AstraZeneca : « Lorsqu’on promet 40 millions de vaccins au premier trimestre et que trois jours avant l’annonce hebdomadaire, on nous dit qu’il n’y en aura que 30 millions, c’est incompréhensible. Il y a sans doute des dysfonctionnements sur la chaîne logistique. »
Depuis quelques semaines, la firme anglo-suédoise est dans la tourmente, entre questionnements sur l’efficacité de son vaccin élaboré avec l’université d’Oxford, potentiels effets secondaires et maintenant retards de livraison. Plusieurs pays ont déjà annoncé suspendre son usage, mais la France et l’Organisation mondiale de la santé maintiennent leur confiance dans un vaccin jugé indispensable à la stratégie vaccinale globale.
Retards de livraison
Ce samedi 13 mars, AstraZeneca a donc fait savoir qu’elle était « au regret d’annoncer une baisse des livraisons de vaccins contre le Covid-19 à l’Union européenne ». Le laboratoire a expliqué qu’il ne pourrait livrer que 70 millions de doses au deuxième trimestre, sur les 180 millions attendues. Thierry Breton a expliqué ce dimanche matin que la firme invoquait des « retards pris lors de la phase de test du vaccin », alors qu’AstraZeneca avait déjà dû freiner ses exportations en janvier quand son usine en Belgique avait pris du retard.
En Allemagne, ce retard de livraison a déjà une incidence directe : le land de Thuringe, celui qui a le taux d’incidence le plus élevé du pays, a d’ores et déjà interrompu un projet-pilote de vaccination qui devait débuter dans les prochaines semaines notamment pour les personnes âgées à domicile. La ministre de la Santé du Land, Heike Werner, a jugé « absolument inacceptable » cette réduction des livraisons.
En France, ces retards ont agacé le premier ministre Jean Castex, qui était en déplacement ce samedi dans un centre de vaccination des Deux-Sèvres : « Les labos nous font quelques misères dans le respect des délais de livraison », a-t-il notamment expliqué. De son côté, Agnès Pannier-Runacher a indiqué ce dimanche à l’antenne de Radio J être « très en colère ». « Le laboratoire anglo-suédois ne respecte pas ses livraisons parce qu’il a des difficultés d’industrialisation, ce qu’on peut entendre. Là où nous sommes très mal à l’aise et très en colère, c’est qu’il n’arrive pas à améliorer son calendrier de livraison », a ajouté la ministre déléguée chargée de l’Industrie.
L’efficacité en question
Aujourd’hui en France, tous les patients de 50 à 74 ans souffrant de comorbidités peuvent recevoir le sérum AstraZeneca, ainsi que tous les patients de plus de 75 ans et les professionnels de santé de moins de 65 ans. Mais quid de l’efficacité du vaccin AstraZeneca ? Pour le premier ministre Jean Castex, aucun doute, AstraZeneca est un bon vaccin : « Je vous le dis de la façon la plus claire : ce vaccin est un vaccin très efficace et les réserves qu’il a pu susciter au départ n’ont plus lieu d’être, a-t-il notamment expliqué. Il est aussi performant que le Pfizer ou le Moderna. Il faut donc utiliser ce vaccin à plein ».
Les résultats cliniques du vaccin avaient montré une efficacité de 60 % environ, bien inférieure aux vaccins à ARN messager produits par Pfizer et Moderna, dont l’efficacité en essai clinique était d’environ 90 %. Mais une étude écossaise sur l’efficacité réelle du vaccin, et non sur les essais, a montré des résultats bien plus probants : les scientifiques ont conclu en regardant les données hebdomadaires de vaccination, d’admissions à l’hôpital, de tests et de décès que le nombre de formes sévères du covid-19 avait diminué de 94 % pour ceux qui avaient reçu le vaccin AstraZeneca. À titre de comparaison, ce pourcentage atteint 85 % chez Pfizer.
Même si l’on s’en tient à l’efficacité de 60 % issue des essais cliniques, les scientifiques conseillent toutefois d’utiliser le vaccin d’AstraZeneca. Ainsi Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, expliquait récemment au Figaro : « Plus de 60 % d’efficacité, c’est très bien déjà. C’est mieux que le vaccin contre la grippe certaines années. Cela peut vraiment permettre de casser la dynamique de l’épidémie »
Un développement parsemé d’embûches
Le vaccin développé par AstraZeneca n’a pas attendu son autorisation de mise sur le marché pour connaître ses premières difficultés. En effet selon le professeur Daniel Floret, vice-président de la commission technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé récemment interrogé par Le Figaro, « le problème essentiel avec ce vaccin n’est pas tant sa moindre efficacité par rapport aux autres, c’est la manière dont il a été testé. D’un centre d’investigation clinique à un autre, il y a eu des erreurs de dosage et des intervalles très variables entre les deux injections. »
Toujours dans nos colonnes, Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, confirmait que « le développement de ce vaccin a connu plein d’embûches, il n’a pas vraiment été fait dans les règles de l’art ». « C’est vrai que la rigueur habituelle des essais cliniques a été malmenée, mais on ne peut pas non plus dire que ce vaccin a obtenu son autorisation de mise sur le marché sans qu’il ait démontré son efficacité et sa sécurité », lui répondait Daniel Floret.
Plusieurs pays suspendent le vaccin
Le 11 mars dernier, le Danemark, l’Islande et la Norvège ont décidé de suspendre l’usage du vaccin AstraZeneca pour quatorze jours. En cause, selon les autorités danoises, « des rapports de cas graves de formation de caillots sanguins chez des personnes qui ont été vaccinées ». D’autres pays, comme l’Italie, l’Autriche, l’Estonie, la Lituanie la Lettonie et le Luxembourg avaient déjà, quelques jours plus tôt, cessé d’administrer les vaccins issus de certains lots (ABV5300 et ABV2856). Le vendredi 12 mars, l’Agence européenne du médicament (EMA) a annoncé que des allergies sévères devraient être ajoutées à la liste des effets secondaires possibles du même vaccin. Ce samedi 13 mars, la Norvège s’est par ailleurs inquiétée d’hémorragies cutanées chez des personnes relativement jeunes ayant reçu une dose du vaccin. Et pour finir ce dimanche 14 mars, l’Irlande vient de recommander à son tour la suspension du vaccin, toujours par précaution après les formations de caillots sanguins.
Alors est-il dangereux de se faire vacciner par le sérum d’AstraZeneca ? Les informations sur son usage indiquent déjà que les patients qui le reçoivent doivent être maintenus « sous étroite surveillance » pendant une durée de 15 minutes après son administration. Les autorités sanitaires doivent maintenant déterminer s’il y a bien un lien entre les différentes complications observées et l’injection du vaccin. Et pour l’instant, selon l’EMA, « rien n’indique que la vaccination ait provoqué ces troubles (les caillots évoqués plus haut), qui ne figurent pas parmi les effets secondaires de ce vaccin ».
En France, l’Agence du médicament (ANSM) indique ne pas avoir détecté de signaux sur d’éventuels problèmes liés à la formation de caillots sanguins, et le gouvernement encourage son utilisation dès qu’il le peut. Ainsi Jean Castex martèle que le vaccin est « efficace » et Olivier Véran a encore assuré ce jeudi qu’il n’y avait « pas lieu de suspendre la vaccination par AstraZeneca ».
Source : le figaro