SEAT et l’incroyable « remontada » de ce constructeur automobile espagnol

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Tunisie-Tribune (SEAT) –  D’origine anglaise, Wayne Griffiths est l’un des managers pressentis pour succéder à Luca de Meo, qui prend les rênes de Renault le 1er juillet prochain. À moins que ce dernier ne débauche ce fidèle lieutenant pour l’épauler au sein du Losange… La Leon est une voiture entièrement pensée, conçue et fabriquée à Martorell. Sous-utilisée auparavant, l’usine catalane, qui avait été inaugurée en 1993 par le roi Juan Carlos, tourne aujourd’hui à plein régime. Environ 500 000 véhicules sont sortis en 2019 de la fabrique d’une superficie équivalente à 400 terrains de football et où travaillent plus de 7 000 personnes. On y produit la Leon, l’Ibiza mais aussi l’Arona, ou encore l’A1 d’Audi, autre marque du groupe Volskwagen.

Le redémarrage de la filiale espagnole n’a pas été une mince affaire. « À la fin des années 2000, il y avait des doutes sur l’avenir même de la marque, confie Wayne Griffiths. Seat était dans le rouge et nous avions un sérieux problème de positionnement à l’intérieur de Volkswagen, au-delà du fait d’être un fabricant de petites voitures bon marché. Il a fallu faire un énorme travail pour renouveler la gamme de modèles et afin que la marque retrouve un sens vis-à-vis tant du public que du groupe. » Aujourd’hui, l’entreprise ibérique constitue une « porte d’entrée » pour Volkswagen : ses clients sont en moyenne âgés de 35 ans, soit 10 ans de moins que le reste des clients de la société.

Une croissance insolente

Après une décennie de pertes (2007-2017), le retour aux profits s’est effectué grâce aux réductions de coûts et aux ventes. « Notre grande offensive sur les SUV, avec l’Ateca, l’Arona, et le Tarraco, a payé. Aujourd’hui, ils représentent presque la moitié de nos ventes (44 %). Surtout, nos modèles classiques, comme l’Ibiza et la Leon, n’ont pas souffert de leur montée en puissance. Au contraire », souligne Wayne Griffiths. En 2017, Seat a affiché un profit d’exploitation de 143 millions d’euros, contre une perte de 7 millions un an plus tôt. Le constructeur ibérique va de record en record. Il affiche une croissance insolente dans un marché déprimé. Ses ventes ont bondi de 15 % en 2017, à 468 000 unités. En 2018, de 10 %, à 517 000 unités. Last but not least, en 2019, la progression a atteint 11 %, à 574 000 unités. Dans l’industrie automobile, peu de marques peuvent se targuer de tels taux de croissance. « C’est la troisième année au-dessus des 10 %. En France, nous avons fait plus 20 % et, en Espagne, nous sommes clairement le leader du marché devant PSA. Nous sommes la marque qui croit le plus en Europe ! » s’enthousiasme Wayne Griffiths.

Si ses ventes ne représentent encore « que » 5 % de l’ensemble du groupe Volkswagen (10,8 millions de véhicules), Seat, aujourd’hui très rentable, apporte une plus importante contribution aux bénéfices de l’ensemble. En décortiquant le rapport annuel du constructeur allemand, on découvre ainsi que la filiale espagnole a engrangé un profit opérationnel de 254 millions d’euros en 2018. Soit un bond de 33 %. Dans le même temps, les profits des autres marques de la multinationale (Volkswagen, Audi, Skoda, Bentley) ont reculé, mis à part celui de Porsche en légère hausse (+ 1 %, voir le tableau ci-dessous).

Derrière ce spectaculaire redressement, on trouve l’Italien Luca de Meo. Le nouveau patron de Renault, qui aura pour mission de sauver le champion tricolore en perte de vitesse, avait déjà relancé la Fiat 500 et fait renaître Alfa Romeo. Poursuivant chez Seat le travail de son prédécesseur Jürgen Stackman, il a complètement changé l’image de la marque espagnole. « Luca de Meo a fait un travail extraordinaire entre 2015 et 2019, pas seulement en termes de ventes mais en créant une stratégie claire et ambitieuse pour l’entreprise. Il a relancé l’innovation et nous avons créé ensemble la marque Cupra, résume Wayne Griffiths. Il laisse une équipe très compétente, professionnelle et débordante d’énergie. » Lancée en 2018, Cupra a déjà trouvé son public. Ses modèles sportifs et élégants font un tabac. C’est logiquement cette marque qui a été choisie pour signer une alliance mondiale avec le club du FC Barcelone. Et ce sera peut-être elle qui se chargera de défricher le marché chinois si Seat décide un jour de s’y aventurer…

Signe d’une opulence et d’une confiance retrouvées, la firme catalane a investi plus d’un milliard de dollars pour concevoir la Leon de quatrième génération et « électrifier » les lignes de production de son usine de Martorell. Cette semaine, elle a invité une centaine de journalistes à Barcelone. Lors d’un show bien rodé suivi d’une faste réception avec jambon ibérique, viande fumée et cocktails exotiques, elle a dévoilé la nouvelle Leon, sa voiture la plus vendue (150 000 exemplaires en 2019). Commercialisé d’ici à l’été, le modèle aux belles lignes tranchées à l’arrière doit permettre au groupe de consolider ses positions.

Trottinettes électriques et mobilités urbaines

Mais il y a un autre filon sur lequel planche la société ibérique : les mobilités urbaines. Il s’agit de vendre des solutions de transport dans les centres urbains, où la voiture n’est plus indispensable. Seat commercialise déjà des trottinettes électriques. La marque au S en a vendu 11 000 l’année dernière. « C’est un changement de paradigme pour les concessionnaires, qui doivent accepter de ne plus vendre que des voitures mais aussi des engins de mobilité urbaine », explique Lucas Casasnovas. Il dirige la nouvelle entité Seat Urban Mobilité, qui emploie une quarantaine de personnes. Fonctionnant comme une start-up, elle est devenue le fer de lance de Volkswagen sur le sujet des mobilités. L’année dernière, elle a dévoilé un modèle de scooter électrique à batterie interchangeable et Minimo, micro-véhicule urbain (2,5 m sur 1,2 m) pour deux personnes conçu pour les petits trajets. Il devrait pouvoir utiliser les places de stationnement des motos. Son but : séduire les compagnies d’autopartage, qui peuvent lui donner leur nom et l’habiller à leur guise. La marque espagnole innove également en matière de modèle économique. Elle a lancé en 2019 une offre de location longue durée. Quoi de neuf sous le capot ? Elle est sans engagement et résiliable dès le 1er du mois sans frais. Une pratique qui ne se faisait guère avant.

Désormais en ordre de marche, Seat va devoir capitaliser sur ses acquis. Quitte à accepter une croissance qui ne pourra pas éternellement flirter avec les deux chiffres. « Aujourd’hui, notre défi n’est plus tellement de faire des volumes, mais de dégager une plus forte rentabilité sur nos voitures », concède Wayne Griffiths. Malgré le départ du « stratège italien » Luca de Meo, le vice-président de Seat envisage l’avenir sereinement. Le soleil ne brille-t-il pas 300 jours par an à Barcelone ?