Tunisie-Tribune (améliorer l’efficacité des antibiotiques) – S’il y a bien un fléau craint par l’ensemble de la communauté médicale, c’est celui de l’antibiorésistance (AMR en anglais, pour Antimicrobial Resistance). Les bactéries, à force d’êtres exposées à des traitements de plus en plus efficaces et réguliers, s’adaptent et leurs mécanismes de défense deviennent plus efficaces. La crainte majeure est que ce phénomène s’accélère, et de voir des superbactéries (bactéries résistantes à tous les traitements) se multiplier de plus en plus vite.
Pour gérer l’AMR, il est nécessaire de mettre en place une intendance antimicrobienne (AMS pour Antimicrobial Stewardship) : des programmes et de stratégies pour optimiser l’utilisation des agents antimicrobiens (comme les antibiotiques) afin de traiter infections. L’AMS est également secondée par l’instauration de processus de prévention et de contrôle des infections (IPC pour Infection Prevention and Control) : des procédures et des politiques visant à limiter la propagation des infections, particulièrement dans les établissements de soins de santé.
Les équipes de professionnels dédiées à l’AMS et à l’IPC pourraient largement bénéficier des avancées de l’IA pour faciliter leur travail, selon cet article publié dans The Lancet.
L’IA dans la gestion de l’AMR
L’avantage que pourrait représenter l’IA dans la lutte contre l’antibiorésistance est colossal. La capacité des systèmes d’intelligence artificielle à traiter et analyser rapidement des données cliniques accroîtrait l’adaptabilité des environnements de soin.
Toutefois, les systèmes de santé ont généralement une approche plutôt rigide et standardisée lorsqu’il est question de mettre en œuvre des nouvelles interventions. Un état de fait particulièrement marqué au sujet de d’antibiorésistance. Obtention de licences, adhésion à des protocoles déjà établis, etc. Faire bouger les lignes reste complexe.
Utiliser des modèles d’IA pour lutter contre l’AMR (nommés modèles AMR-AI) est une approche complètement différente. Ces modèles apprennent, évoluent et s’ajustent en fonction des conditions.
Si on veut un jour intégrer ces modèles AMR-AI dans les systèmes de santé, il faudrait que les procédures, politiques et pratiques évoluent également et s’adaptent à la nature flexible de l’IA : formation du personnel de santé, mise à jour des protocoles de traitement pour inclure les recommandations basées sur l’IA, etc. Une implémentation sur mesure, en quelque sorte.
Mise en place d’une stratégie ciblée pour combattre l’AMR
Ces modèles d’IA spécialisés sont donc intégrés dans des systèmes baptisés systèmes d’apprentissage antimicrobien (ALS pour Antimicrobial Learning Systems). L’objectif de ces systèmes est double :
- Identification des problèmes, obstacles et des solutions propres à l’antibiorésistance.
- Mise en place de solutions adaptées et efficaces.
Dans les soins de santé actuels, un des enjeux majeurs est l’incertitude latente qui règne autour de l’utilisation d’agents antimicrobiens. En raison de cette dernière, de nombreuses prescriptions inappropriées ont lieu. Par exemple, la prescription d’antibiotiques contre une infection virale, comme le rhume ou la grippe. Le risque d’augmenter l’antibiorésistance est alors multiplié.
En utilisant les modèles AMR-AI, cette incertitude pourrait être diminuée. Ceux-ci pourraient fournir des données et des analyses plus précises, et des recommandations de soins plus adaptées pour chaque infection traitée.
Réduire l’incertitude avec les modèles AMR-AI ?
Ces modèles sont des outils extrêmement puissants et permettraient donc une gestion plus efficace au long terme de l’antibiorésistance. Voici comment ils pourraient impacter positivement cette dernière :
Une prédiction plus rapide de l’AMR : les tests traditionnels en laboratoire peuvent lents, puisqu’ils dépendent de la culture de bactéries. Les modèles AMR-AI sont capables d’analyser plus rapidement les données en prédisant si telle ou telle souche microbienne va présenter une résistance.
Amélioration de la décision clinique : grâce aux prédictions fournies, les médecins pourraient prendre des décisions thérapeutiques plus rapidement. Imaginons que le modèle d’AMR-AI montre qu’une bactérie x sera résistante au traitement y, le médecin pourra prescrire le traitement z, sans perdre du temps à estimer si le traitement y est efficace. Cela réduirait la probabilité de voir des souches de bactéries résistantes émerger.
Prévention des infections : les modèles AMR-AI peuvent également aider l’identification de patients qui nécessitent un isolement afin d’éviter la transmission de bactéries résistantes à d’autres patients ou au personnel soignant.
Ces modèles AMR-AI représentent un immense progrès dans la lutte contre l’antibiorésistance. Capables de fournir rapidement des données complètes, ils offrent de nouveaux angles d’analyse pour servir un diagnostic plus approprié ainsi que des prédictions sur lesquelles les professionnels peuvent se baser. Pour les déployer de manière efficace, les systèmes de santé devront en revanche adapter leurs modes de fonctionnement. D’un point de vue éthique, organisationnel et réglementaire, le chemin est encore long, mais le succès de ces technologies avancées dépendra entièrement de la capacité d’adaptation de ces institutions.
- L’antibiorésistance (AMR) est un phénomène aux conséquences potentiellement désastreuses.
- Dans l’idée d’une meilleure gestion de l’AMR, l’utilisation de l’IA émerge comme une nouvelle arme extrêmement efficace.
- Ces modèles d’IA spécialisés (AMR-AI) peuvent fournir des données très précises et limiter le phénomène d’antibiorésistance en réduisant l’incertitude des prescriptions d’agents anti-microbiens.