Tunisie-Tribune (Tunisie-Corée du Sud) – La Tunisie accueille une forte délégation de représentants du peuple coréen dirigée par le président du Parlement de Corée du Sud, M. Kim Jin- Pyo. Une visite importante qui continue un cycle de visites de plusieurs parlementaires coréens depuis la visite en janvier 2010 du président du Parlement coréen, M.Kim Jong-oh. D’autres visites importantes d’officiels coréens gouvernementaux ont eu lieu, comme la visite du Premier ministre Lee nak yeon en décembre 2018, celle du ministre de l’Intérieur en mars 2022 puis en mars également visite de l’envoyé spécial du président coréen au Président Kaïs Saïed. En retour, quatorze ministres Tunisiens ont effectué des visites officielles en Corée entre 2009 et 2023.
Ce rappel des échanges de visites dans laquelle ne figure pas de délégation parlementaire tunisienne en Corée, souligne le désir des représentants du peuple coréen d’élargir les horizons des échanges et de la coopération de leur pays avec les pays considérés lointains. Il s’agit d’une volonté claire de la Corée du Sud de promouvoir le label et le know how coréens en dehors de l’espace étriqué du voisinage Sud-Est asiatique ou les tigres économiques sont en concurrence permanente pour gagner des marchés pour leurs produits dans un espace devenu exigu obligeant des pays comme la Corée, à l’instar de ses voisins d’ailleurs, y compris la Chine, à se déployer en dehors de l’Asie voulant établir des liens avec des continents lointains qui offrent des opportunités sérieuses pour les investissements étrangers et des marchés ouverts pour les produits manufacturés coréens et étrangers.
Appréciation unanime des opportunités offertes par la Tunisie
Toutes les visites de responsables politiques coréens et hommes d’affaires en Tunisie ont abouti à la conviction que la position stratégique comme les opportunités et la législation que la Tunisie offre aux investisseurs étrangers en font un hub unique de par sa position sur le promontoire de la mer Méditerranée jouissant de la confiance de ses partenaires de l’Union européenne comme des pays du continent africain auquel la Tunisie appartient t et dont elle a porté le nom Ifriqiya pendant des lustres.
La visite du président Kim jin-Pyo et de la délégation qui l’accompagne vient à point pour relancer concrètement la coopération, sinon la remettre à l’ordre du jour entre nos deux pays afin de la hisser au niveau atteint par les relations politiques cinquante, cinq ans après l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Avec plus de cinq décennies de connaissance et d’appréciation mutuelle, il est permis d’attendre voir la Corée et la Tunisie hisser, leur coopération à des paliers supérieurs qui consolident et enrichissent les étapes accomplies comme les projets parrainés par la Koica pour asseoir une coopération fructueuse dans le secteur des start-up et de le gouvernement à l’instar des projets de réforme de la douane, de digitalisation des marchés publics, de renforcement des capacités des fonctionnaires ainsi que la régénération de la forêt de chêne-liège au nord ouest tunisien. D’autres projets sont en cours comme les bassins d’aquaculture les projets de la couverture et les usines YURA de cablage électrique pour les marques coréennes de voitures fabriquées en Europe.
Comment passer à la vitesse supérieure ?
Le cheminement est louable et nécessite d’évoluer en volume de participation et d’aide financière pour atteindre d’autres objectifs plus ambitieux et qui donnent une visibilité à l’excellence des relations politiques. De nouvelles réalisations peuvent comprendre l’enseignement supérieur en accueillant davantage d’étudiants tunisiens dans les universités coréennes et de stagiaires dans les grandes compagnies novatrices comme Samsung, LG Hyundai et autres. Nous avons par exemple réussi, après de longs efforts défendant l’ouverture d’un institut Sejong de langue coréenne en Tunisie, à convaincre enfin les décideurs à ouvrir un institut à Tunis qui connaît aujourd’hui une affluence de centaines de jeunes Tunisiens qui veulent apprendre la langue du pays du kpop et du miracle économique.
J’ai personnellement toujours défendu l’idée que le développement des échanges et de la coopération comme du dialogue entre les responsables politiques et économiques des deux pays bute souvent sur le problème de l’incompréhension des langues nationales réciproques et que cette difficulté peut être contournée par l’apprentissage réciproque du coréen pour les jeunes Tunisiens et de l’arabe pour les étudiants coréens dont plusieurs dizaines sont passés par l’Institut de langues vivantes Bourguiba School à Tunis.
Encourager cet apprentissage aboutira à la formation de bons interprètes qui contribueront à une meilleure communication avec les promoteurs tunisiens et coréens et ouvriront la voie à des échanges de compétences tunisiennes pour travailler dans des entreprises de pointe coréennes en dehors de la Corée. J’avais proposé dans un article, à l’occasion de la tenue du Forum Tunisie-Afrique-Corée l’année dernière, de créer un organe supérieur de suivi permanent de la coopération entre les deux pays et d’y introduire au fur et à mesure les corrections nécessaires pour éviter les complications administratives et les délais d’exécution des projets.
Sur un autre plan, les relations tuniso-coréennes ont besoin de créer des projets qui tissent des liens solides et durables, comme dans le domaine de la santé : le secteur hospitalier coréen est performant et à la pointe du progrès et attire actuellement les patients de plusieurs pays. Il serait opportun de concrétiser sur le plan de la santé la coopération tunisie-coréenne en édifiant un grand hôpital Tunisio-coréen international en Tunisie, qui rapprochera davantage les deux pays et balisera leur coopération, tout en fournissant l’occasion d’une coopération médicale réciproquement profitable entre les structures hospitalières et de recherche médicale pour les deux pays comme des universités qui ont déjà enregistré un début de réalisation avec la fourniture par l’institut Pasteur de Tunis de vaccins BCG à la Corée.
Le bon exemple coréen de réforme agricole
On peut détailler longuement plusieurs secteurs qui présentent des avantages de coopération de proximité qui touchent directement la vie des citoyens des deux peuples.
L’exemple du développement rural engagé dans le domaine agricole par la Corée et cité dans un rapport de la BAD l( Banque africaine de développement) qui appelle à copier cet exemple de modèle de développement agricole sud-coréen qui a permis au Pays du matin calme de réduire sa dépendance alimentaire dans une première étape avant d’atteindre son autosuffisance alimentaire grâce selon le rapport de la BAD a des mesures efficaces comme « l’établissement d’un système de prix et d’achat gouvernementaux garantissant des prix élevés pour les producteurs et la stabilité des prix pour les consommateurs ».
J’évoque le secteur agricole et l’intérêt de la BAD pour l’expérience coréenne pour proposer au forum tuniso-coréo-africain qui se tiendra prochainement de concrétiser les propositions du rapport de la BAD et d’engager en Tunisie un projet témoin qui accorde une importance particulière au développement de l’agriculture qui était le premier instrument des progrès réalisés par la Corée. Une action pilote commune qui nécessitera des efforts financiers et de l’expertise pourra faire du développement de l’agriculture tunisienne un exemple à suivre. Je cite ici une expérience concluante qui a été tenté pendant les années 2006-2010 dans la zone rurale de Aïn Draham au nord-ouest de la Tunisie. Un expert coréen est venu en Tunisie dans le cadre du volontariat initié par Koica et a réussit à cultiver le chou chinois dans de petites parcelles agricole. Les ruraux concernés ont pu réaliser des bénéfices conséquents de la vente du chou chinois à la communauté coréenne et asiatique de Tunisie qui a pu s’en servir pour préparer le kimshi, ingrédient épicé et fermenté indispensable dans les traditions culinaires coréennes.
Le programme de volontaires coréens interrompu pendant la période du Covid-19 gagnerait à reprendre et concerner spécialement le secteur de la santé et de l’informatique appliquée à la gestion et à l’exploitation des ressources humaines et naturelles. Des commissions mixtes de proposition de projets peuvent être créées pour former en permanence un observatoire de suivi et de concrétisation des projets et prévenir les difficultés qui pourraient en retarder la réalisation. La visite en Tunisie des honorable députés et du président du Parlement coréen est une grande opportunité de relance d’une coopération mutuellement profitable où Tunisiens et Coréens peuvent, dans un cadre amical de respect mutuel et de ferme volonté, profiter de la position géostratégique de la Tunisie et de la considération dont notre pays jouit dans son environnement méditerranéen, africain et européen.
Cette visite suscite de vraies attentes de concrétisation de toutes les promesses, et du travail accompli au niveau parlementaire, gouvernemental et par les ambassades respectives.
Appel aux investisseurs coréens
La Tunisie et la Corée du Sud sont appelées à devenir un exemple de coopération dans l’espace méditerranéen, africain et arabe qui offre à la Corée de grandes possibilités de coopération, d’échange et de rayonnement sur l’environnement euro-arabe et africain de la Tunisie, ce qui offre des opportunités de délocaliser en Tunisie des usines coréennes de fabrication et d’exportation des produits coréens dont les prix seront concurrentiels, étant proches des marchés sollicités par l’industrie coréenne dans cette zone du monde. C’est le souhait de tous les Tunisiens d’accueillir des investisseurs coréens.
Le miracle coréen jouit ici d’une forte admiration pour un peuple qui, malgré les problèmes que lui provoquent les craintes dues aux menaces nucléaires et les souffrances supportées du fait de la division entre nord et sud, a réussi un miracle économique qui place le pays du Han au 4e rang des tigres asiatiques et dans le peloton de tête des pays avancés..
Source : Mustapha Khammari / LaPresse.tn