Béji Caïd Essebsi, le meilleur des mondes possibles

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Monia Sanekli

Tribune libre – Nous donnons la parole, dans une expression libre, à Monia Sanekli, citoyenne tunisienne, Chercheur et Professeur de philosophie, qui représente une importante frange de la population tunisienne. Elle essaie par ses réflexions, de démontrer, en se basant de manières parfois empiriques et parfois conciliantes sur les aléas et les méfaits occasionnés dans un passé récent, afin de déboucher sur la meilleure orientation possible et à moindre risque, pour le futur, dans le but de faire le meilleur choix pour la Tunisie, dans ce 2ème tour des élections présidentielles.

Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi seront face à face, selon les règles les plus démocratiques, ce dimanche, dans ce nouvel échiquier politique et c’est à nous de les départager. Tout oppose ces deux personnalités. Tout aussi victorieuses par la volonté du peuple, au scrutin du 1er tour des élections présidentielles.

Le cas du « printemps tunisien » et spécialement des élections 2014 qui en découlent, ne sont pas de simples élections ordinaires, mais des élections qui assument la création de certaines valeurs nouvelles propres aux enjeux de la conjoncture politique et géopolitique. Il s’agit du déclenchement d’un nouveau processus et la mise sur pied des fondements de la démocratie à savoir le suffrage universel et les libertés citoyennes.

Tout choix en dépend

Il ne s’agit nullement ni d’une transmutation économique, ni capitaliste, ni socialiste, mais d’une transmutation politique, du despotisme vers la démocratie, de la répression vers les libertés, et c’est cette transmutation qui aura pour tâche un développement économique et social durable.

Dans ce cadre-là, il est plus qu’évident que le cas de la Tunisie a été spécifique dans la levée du monde arabe et ses révolutions programmées pour un ceinturon bien tissé et bien ficelé. La Tunisie n’a pas vu son dictateur violé et abattu, la Tunisie n’a pas vécu la guerre civile et l’implantation des jihadistes, la Tunisie n’a pas vécu le déchirement de sa communauté. La Tunisie n’a connu ni de putsch militaire, ni de Rabaa, ni de Daech. Il est clair que les Tunisiens s’accrochent à un monde meilleur et à une démocratie réelle.

Bien que catastrophique, le règne de la troïka a été quand même assimilé, respectant ainsi le droit des urnes jusqu’au point de tolérer l’intolérable et supporter l’insupportable.

L’accroissement de la pauvreté, les épidémies, le taux élevé du chômage, les prix exorbitants, les crédits gigantesques, les dépassements despotiques de la politique, le vol de la caisse de l’État sous des prétextes moraux , une ANC qui s’apparente à une cage aux folles plutôt qu’à une assemblée, un éternel président provisoire, des écervelés et des incompétents rodant la sphère politique jusqu’à la nausée… Cela dit, la loi de la démocratie a régné jusqu’aux élections de 2014.

Les législatives de 2014 ont tout renversé. Ennahda passé deuxième, loin derrière Nidaa qui cumule le maximum de voix et marquant ainsi un renversement historique, soit des objectifs du ceinturon arabe soit de la stratégie des forces actives nationales et géopolitiques. L’islamisme et le terrorisme n’auront plus ni raison d’être, ni raison de force. Ce qui a été réalisé par le sang et la mort en Égypte et en Lybie a été accompli par les urnes en Tunisie.

Ceci nous amène aux présidentielles et suivant la même logique de la spécificité du cas Tunisien, les urnes ont sélectionné deux candidats. Indépendamment des conspirations souterraines, on aura Beji Caid Essebssi contre Moncef Marzouki.

Peu importe qui ils sont, c’est les meilleurs des mondes possibles existants en Tunisie et choisis par son peuple. Il ne s’agit pas de les peser et les évaluer en personne, ou selon un idéal, ou selon des conditions et des exigences de droit, mais il s’agit plutôt de les considérer comme deux faits et de les évaluer comme deux stratégies, de les investir comme deux mondes possibles, étant donné que c’est entre ces deux mondes possibles que le peuple dira son mot.Béji Caïd Essebsi-le meilleur des mondes possibles

Dans le meilleur des mondes possibles, il n’existe ni de parfait, ni d’absolu, mais l’optimum des biens et des maux.

Il s’agit de choisir le maximum de bienfaits réalisables à partir de deux faits déjà réalisés : le fait BCE et le fait Marzouki.

En quoi donc, le fait BCE est le meilleur des mondes possibles pour la Tunisie de 2014 ?

L’optimum psychologique

L’âge, qui renvoie à la sagesse, la maturité, l’expérience, le pragmatisme, ce n’est ni une personne qui apprend son métier, ni une personne qui est à son premier gout du pouvoir. Le risque de dictature est moindre que chez un débutant à la recherche de reconnaissance, quitte à abuser de la force et de la violence de l’État pour se faire valoir. Les déraisons et les délires paranoïaques dus à la prise de tout pouvoir seront moindres pour lui. Hormis ses erreurs historiques, il est un homme d’État et un politicien averti.

Très conscient des transmutations historiques et géopolitiques, il est peu probable qu’il prenne le risque de revenir en arrière, ce qui est très probable et même certain avec Marzouki, qui n’est qu’un instrument islamiste et un moyen de la stratégie d’implantation islamiste dans le monde arabe. Le fait Marzouki est une menace à la démocratie beaucoup plus grave que le fait BCE. Le rapport de Marzouki au pouvoir est un rapport pathologique d’aliénation, de compulsion et de compensation.

L’optimum politique

Après Mohamed Ghannouchi, BCE a pris les règnes du gouvernement, dans un bouillonnement révolutionnaire éclaté. Il a assuré un passage plus ou moins réussi, en tout cas un moindre mal. Il a remis le pouvoir pacifiquement à la troïka pour aller crée son propre parti, ce qui est dans l’ordre des principes de la démocratie.

La troïka a éclaté le pays, d’un point de vue politique, économique, social, moral, géographique, sanitaire, éducatif, financier. Le pays s’est totalement brisé, complètement agenouillé. Une vraie catastrophe que ni le règne de Bourguiba, ni celui de Ben Ali, encore moins le court règne de BCE n’a connue.

Terrorisme, crimes, délinquances, chômage, pauvreté, accroissement du nombre de viols, épidémie, hausse des prix, vols et détournements d’argent, caisses de l’État dévalisées, la femme constamment dénigrée, harcelée et rabaissée, esclavagisme sexuel et même les crimes pédophiles.

Le ressentiment populaire augmenta, les martyrs, la chasse aux artistes et aux intellectuels, l’accueil des obscurantistes cheiks du Qatar pour prêcher l’ignorance, le chaos et l’indécence morale et sexuelle.

Les Tunisiens, abandonnés et divisés, risquaient le déchirement et la guerre civile. La troïka 2011 était une barbarie couverte par le slogan de la légitimité. Cette expérience était aussi le fait Marzouki, avec toutes ses extravagances paranoïaques, ses hystéries, ses dépenses indécentes, ses maladresses diplomatiques, ses dépassements, ses incompétences, son laxisme avec les terroristes. La troïka avec le fait Marzouki fut un désastre qui aurait pu emporter le pays.

Dans ce règne de chaos et de débordement, la perspective de BCE incarnait le retour à la modernité, à la République, à la souveraineté de l’État, à l’unité des Tunisiens, à l’indépendance, au respect de l’hymne national et du drapeau, à l’autonomie de la femme, au travail, aux investissements, à l’essor social et économique, à la justice sociale, au respect de l’ordre, à la paix civile. Ces valeurs n’étaient pas des valeurs prêchées par la force ou la violence de l’épée, mais par de continuels débats et une logique communicationnelle bien rodée. Pendant ce temps, la troïka continuait à semer la terreur et à préparer la ruine.

Ce sont les deux mondes possibles que nous offrait le “printemps arabe”, les deux faits de forces actives, les deux rapports de forces possibles, les deux alternatives déjà réalisées et dont le peuple n’avait qu’a choisir.

Suivant la logique du meilleur des mondes possibles selon l’optimum de bien réalisé ou réalisable, il va sans doute que le fait BCE jouit d’un cumul d’avantages bien supérieurs au cumul de la Troïka ou du fait Marzouki. Ce n’est pas une question de prise de partis ou de choix subjectif, mais tout simplement de bon sens, qui est la chose du monde la mieux partagée.

Le bon sens et la nature de l’instinct de conservation font que n’importe quel individu choisit la vie plutôt que la mort, choisissent la continuité plutôt que l’extinction, la vitalité plutôt que la dégénérescence, la santé plutôt que la maladie. Or, en considérant ses années passées à Carthage, le fait Marzouki nous offre une perspective d’avenir porteuse de discorde, de conflits, de morts et peut-être même de guerre civile. Dans le cumul de bienfaits et de méfaits, BCE l’emporterait dans le meilleur des mondes possibles.

L’optimum éthique et géopolitique

C’est un impératif catégorique d’ordre éthique que d’extirper et déraciner le terrorisme et l’obscurantisme qui sont la vraie menace, quoique voilée et dissimilée par les adeptes du parti indolore et incolore : le CPR de Marzouki. Le sophisme hilarant de considérer un terroriste comme un simple citoyen est en lui-même plus criminel que le terrorisme, puisqu’il encourage par les faits juridiques et de façon tacite le crime terroriste, qu’il se charge de protéger en distillant le sentiment d’impunité, aussi bien pour les terroristes que pour les criminels et les violeurs.

Depuis le « printemps arabe » et la multiplication du terrorisme, aucun terroriste n’a été jugé ou condamné, alors qu’on savait tout sur eux, sur leurs protecteurs et sur leurs cachettes. Pire encore, les fameux élus de l’ANC ont catégoriquement refusé de voter des lois antiterroristes ou de rétablir les anciennes !

Encourager le terrorisme par l’impunité est condamnable d’un point de vue éthique, politique et géopolitique, étant donné qu’il alimente la guerre et le conflit, et qu’il sert en plus la stratégie du nouvel ordre mondial, consistant à conquérir le monde arabe par l’islamisme. Si l’Égypte, la Syrie, l’Algérie et d’une certaine manière la Libye, ont tenu le coup face au projet d’islamisation mondialiste, il serait de l’ordre de l’impensable que la Tunisie, avec son histoire républicaine et laïque, et surtout avec une population instruite et de hautes compétences dans tous les domaines, se voient envahir par le terrorisme et l’obscurantisme.

Le fait Marzouki, non seulement il encourage et protège le terrorisme, mais il installe une tension avec nos voisins qui résistent à l’islamisation et au jihad terroriste. La troïka a facilité l’intrusion des armes et des jihadistes aussi bien chez nous que chez nos voisins. Le fait Marzouki va dans l’optique et la perspective mondialiste de la déconstruction du monde arabe pour l’islamiser et le maintenir sous la menace perpétuelle du terrorisme, meilleure façon de s’accaparer ses richesses.

Marzouki serait le pire des mondes possibles ; il est l’optimum des effets dévastateurs du laxisme et de la compromission avec les intégristes. Il chante les droits de l’homme pour imposer la domination des terroristes et des mondialistes sous la couverture d’un pseudohumanisme de marketing politique.

L’optimum des biens du fait BCE, c’est la lutte incessante contre le terrorisme. Un projet de société moderniste, libérale et démocratique. Une bonne connaissance des stratégies géopolitiques mondiales pour empêcher ses effets sur la Tunisie, ou tout au moins les réduire.

Le bon sens qui est la chose du monde la mieux partagée choisit par instinct le meilleur des mondes possibles. Béji Caïd Essebsi n’est sans doute pas un idéal, ou une solution parfaite dans l’absolue. C’est le meilleur des mondes possibles dans une conjoncture chaotique et explosive, et dans un univers politique où les stratégies de connexions et les rapports de forces risqueraient de plonger le pays dans une crise profonde et périlleuse pour sa sécurité et son économie.  – Monia Sanekli –