Tunisie-Tribune (Bourse d’Istanbul et Krash de la Livre turque) – le dollar a pratiquement touché le niveau record de 7 livres, (autour de 6,99 le dollars), soit une chute de 27 % de la monnaie turque en cours de séance, avant de revenir à 6,33 livres, soit une baisse de près de 13,5 % pour la monnaie turque.
La livre turque perd insi à la Bourse d’Istanbul, -12,3 % contre l’euro à 7,23 livres par euro. Les déclarations du président Erdogan et décisions de Donald Trump ont aggravé une situation déjà très délicate.
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Erdogan : « Face à cette instabilité financière artificielle, la Turquie ne cédera pas aux menaces des tueurs à gage économiques »
Le président turc a en effet déclaré en début d’après midi que le « lobby des taux d’intérêt ne parviendra pas à écraser le pays ». Face à cette instabilité financière qualifiée « d’artificielle », la Turquie ne cédera pas aux menaces des « tueurs à gage économiques ». Une allusion aux spéculateurs étrangers, les boucs émissaires récurrents des autorités. Il a invité ses concitoyens à échanger leurs dollars ou leur or contre des livres. Ces déclarations surréalistes aux yeux des économistes et des stratèges, ont provoqué une nouvelle chute de la devise turque. Le ministre de l’économie et des finances Berat Albayrak a simplement évoqué la nécessité de « redonner de la confiance dans la livre ».
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Trump s’en mêle et met sous pression la devise turque (viaTwitter)
Sur Twitter, Donald Trump a encore mis sous pression la devise turque. Il a décidé de doubler les droits de douane sur l’acier et l’aluminium importés de Turquie, respectivement à 50 % et 20 %, estimant que la chute récente de la livre avait redonné de la compétitivité aux exportations turques… Il a conclu son tweet, en déclarant : « Nos relations avec la Turquie ne sont vraiment pas bonnes à ce stade ! ».
La contagion aux autres devises émergentes reste pour le moment circonscrite à quelques monnaies, les « maillons faibles » de la sphère émergente. Le rand SUD africain cède 2,9 %, le forint hongrois 1,2 % et le peso argentin 3,3 %. L’euro est repassé sous la barre de 1,15 dollar, en repli de 1 % à 1,1430 dollar du fait de l’ exposition des banques européennes à la Turquie .
Dévaluation de 30 % en 2001
La situation actuelle en Turquie évoque la grave crise bancaire et financière que connut le pays en 2000-2001. En février 2001, la livre, alors arrimée au dollar, fut dévaluée et perdit rapidement près de 30 %. La livre turque affiche la plus forte contre-performance des devises émergentes cette année, une chute de 40 %, devant le peso argentin qui a perdu 35 %.
Inflation et fuites des capitaux
La chute de la livre accentue l’inflation, en hausse de 16 % en juillet d’une année sur l’autre. Les taux d’intérêt, actuellement de 17,5 %, pourraient être encore remontés, pénalisant la croissance et accentuant la crise de défiance et les fuites de capitaux étrangers.
Seulement, le président Erdogan a déjà fait savoir qu’il était peu favorable à une hausse des taux d’intérêt pour stabiliser la livre, en opposition avec sa banque centrale. En mai dernier, il avait d’ailleurs déclaré à l’agence Bloomberg que le président devait être responsable de la politique monétaire. Pour les marchés, seule une remontée significative des taux d’intérêt parviendrait à stabiliser un peu la situation. « Lors des précédentes périodes de chute de la livre, la banque centrale turque est intervenue pour augmenter les taux d’intérêt après des dépréciations de sa devise de 30 % à 35 % », rappellent les stratèges de la banque Nomura. En théorie, le franchissement du niveau de 6,10 – 6,15 livres par le dollar, aurait dû entraîner un resserrement monétaire de la Turquie.
Spectre du défaut
Pour soutenir sa devise sur le marché des changes, la banque centrale devra puiser dans ses réserves de changes, estimées à 105 milliards de dollars en mars, dont 87 milliards en devises étrangères et 17 milliards en or. Seulement, les précédentes interventions de la banque centrale turque sur le marché des changes pour soutenir la livre n’ont apporté qu’un répit éphémère à sa monnaie et n’ont pu inverser la tendance face au pessimisme structurel des marchés.
Ces derniers commencent à parier sur l’incapacité du pays à honorer sa dette. La probabilité d’un défaut a plus que doublé depuis le début de l’année. La dernière fois que les marchés avaient été aussi pessimistes à l’égard de l’avenir financier du pays remonte à 2009, dans le sillage de la grande crise financière mondiale.