Tunisie-Tribune (pompiers) – Entre 7 000 et 10 000 sapeurs professionnels ont défilé mardi contre le manque d’effectifs et de reconnaissance. De violents heurts avec la police ont marqué la fin du rassemblement.
Tout avait pourtant bien commencé. Mardi 15 octobre, dès 12 h 30, plusieurs centaines de pompiers professionnels, venus des quatre coins de la France, étaient déjà présents place de la République, à Paris, pour participer à la manifestation organisée à l’appel de sept syndicats de la profession.
Dans les restaurants et fast-food qui entourent la place, point de départ du cortège, l’ambiance est alors à la décontraction. A table, on discute, on plaisante. Puis très vite on s’organise, drapeaux, banderoles syndicales et pétards en main, pour le grand départ de la marche, à 14 heures.
Sans plus tarder, les premières revendications des soldats du feu se font entendre, au pied de la statue de la République, à coup de grandes déclarations au mégaphone. En grève depuis le 26 juin, ils tentent de se faire entendre pour résoudre des problèmes à la fois organisationnels – liés à un manque d’effectifs –, salariaux – ils demandent une revalorisation de la prime de feu à hauteur des autres métiers à risque – et sécuritaires, les agressions de sapeurs augmentant.
«Incivilités verbales ou physiques»
Cette situation « détruit notre métier et le service public qu’il représente », explique une pompière des Yvelines, en service depuis douze ans, peu avant le départ du cortège. Elle précise : « Le plus difficile, c’est le manque de moyens lié à une sursollicitation de nos services pour des missions qui ne sont pas les nôtres. On peut être appelé pour tout et n’importe quoi. »
Quelques mètres plus loin, Jean-Pierre Darmuzey, secrétaire général de SUD Gironde, évoque quant à lui les « incivilités verbales ou physiques » de plus en plus fréquentes. Le ministère de l’intérieur en a déjà recensé plus de 1 200 depuis le début de l’année. « La semaine dernière, lors d’une intervention, un homme nous a mis des coups de poing. La violence n’est plus seulement verbale. Elle est aussi physique », détaille-t-il.
Alors que le cortège de 7 000 à 10 000 manifestants s’élance vers la place de la Nation, son point d’arrivée, un nom revient par ailleurs sur toutes les lèvres : celui de Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur. S’il a échangé avec les syndicats de pompiers à l’occasion de leur congrès national organisé à Vannes en septembre, les soldats du feu disent désormais attendre des « mesures concrètes ». Celles prises début septembre pour renforcer leur sécurité – avec notamment la mise en place de caméras-piétons – sont loin de les satisfaire. Surtout, les représentants des pompiers demandent à rencontrer le ministre.
Quelques minutes plus tard, justement, l’information circule dans les rangs de la manifestation qu’une délégation ministérielle va recevoir les syndicats l’après-midi même. Beaucoup attendent alors d’en connaître l’issue mais regrettent d’ores et déjà que Christophe Castaner ne soit pas présent. Le ministre de l’intérieur était, mardi, en déplacement dans l’Aude. « Ça va vriller », glisse alors un pompier dans le cortège, peu rassuré quant à la tournure prise par la marche.
«Ils se moquent de nous»
Aux alentours de 15 heures, des premiers heurts avec la police éclatent. Et dans les rangs des manifestants, les esprits s’échauffent. L’ambiance revendicative mais relativement apaisée du début de la marche cède peu à peu le pas aux affrontements avec les forces de l’ordre. Jusqu’au point culminant, place de la Nation, où les pompiers commencent à affluer à partir de 16 h 30.
Pas de quoi calmer les manifestants. Par dizaines, des pompiers vont alors tenter, sans succès, de bloquer le périphérique. D’autres vont se rapprocher des forces de l’ordre installées tout autour de la place jusqu’à ce que des gaz lacrymogènes et des grenades de désencerclement soient lancés.
«Malaise profond»
Dans la confusion, deux manifestants sont blessés, l’un à la tête, l’autre au tibia, par des projectiles. Plus tôt dans l’après-midi, les forces de l’ordre ont déjà fait usage de grenades lacrymogènes et de canons à eau aux abords de l’Assemblée nationale. Trois membres des forces de l’ordre ont été blessés et six manifestants interpellés pour violences ou jets de projectiles, selon la Préfecture de police de Paris.
Peu après 19 heures, après plus de cinq heures de manifestation, la place de la Nation commence finalement à se vider. « Ce qui se passe, ce n’est pas courant. Nous ne sommes pas des professions qui se confrontent, explique alors Guillaume Millet, représentant syndical CFDT du SDIS 33. C’est le résultat d’un malaise profond, bien antérieur à ces derniers mois, et qui est dû au fait que nous subissons toutes les évolutions de la société sans avoir les moyens de les traiter. »